Le 25 novembre dernier, le Canard enchaîné révélait à ses lecteurs que Sarkozy aurait déclaré à des proches que sa famille politique était prise « en sandwich entre un FN dopé par les attentats et une gauche remobilisée par l’union nationale et l’attitude guerrière de son chef ». On ne peut mieux résumer la situation et les problèmes de la droite aujourd’hui.
Le tournant policier, sécuritaire et ultra-nationaliste du gouvernement Hollande au lendemain du 13 novembre a complètement pris de court les dirigeants des Républicains — en particulier Sarkozy, Fillon, Juppé — qui sont engagés dans une lutte féroce pour la primaire qui devrait avoir lieu en novembre prochain.
Avant les attentats de novembre, Sarkozy faisait entendre sa différence par rapport au gouvernement et au PS à propos de la crise des migrantEs. Il s’était signalé par une provocation grossièrement stupide et insultante en comparant l’afflux des réfugiés à « une fuite d’eau ». Dans le sillage du FN, il faisait campagne contre le traité de Schengen, la mise en place de quotas de réfugiés à accueillir qui constitueraient selon lui un « appel d’air », contre également l’aide médicale d’État (AME) pour les étrangerEs en situation irrégulière, pour une « adaptation du droit du sol »... Pour un peu, face à lui, Juppé, qui jugeait nécessaire les quotas de migrantEs à accueillir, aurait fait figure d’homme de gauche. D’autant plus que malgré les accords européens signés et les grandes déclarations humanistes, l’action du gouvernement était et est toujours scandaleusement inexistante, sauf pour ordonner les interventions policières contre les migrantEs de Calais ou de Paris...
Copie conforme...
Mais sur quoi se différencier aujourd’hui ? Renforcement des effectifs de la police et accroissement de ses pouvoirs, assignations à résidence, perquisitions sans contrôle, déchéance de la nationalité, c’est le gouvernement lui-même qui a repris l’arsenal de la droite et même du FN. Au point qu’un bureau politique des Républicains, réuni par la volonté de Sarkozy le jour où Juppé publiait son livre, Pour un État fort, a décidé d’approuver ces mesures et sans doute la révision constitutionnelle, en assortissant cette décision d’une volonté affichée seulement d’en contrôler l’application. Inspecteur des travaux finis, en somme.
Et si Juppé a beaucoup fait parler de lui en accusant le gouvernement de vouloir faire « un coup politique » avec la déchéance de nationalité, son livre plaide pour un renforcement policier et sécuritaire de l’État, une augmentation des places en prison, la refonte de Schengen, dans le même temps que sur le plan économique, il plaide pour la « liberté » la plus complète… pour les patrons en réclamant que soient facilités les licenciements, que l’âge légal de départ à la retraite soit reculé à 65 ans, qu’il n’y ait plus aucune « charge » sur le Smic, la suppression de l’ISF, etc.
Mais qu’importe qu’il reprenne en grande partie le programme de Sarkozy, les sondages le donnent en tête et largement, probablement parce qu’il apparaît comme un outsider par rapport à l’ex-président ou à Hollande dont une grande majorité d’électeurs ne veulent plus.
Plus que l’opinion ou la société, ce sont les sommets des partis institutionnels qui se déportent de plus en plus à droite et façonnent une partie de l’opinion, tandis que nombreux sont celles et ceux qui restent dominés par l’inquiétude et un sentiment d’impuissance.
Galia Trépère