Le désaveu est cinglant. Avec 27 % des voix, le président-candidat subit un échec d’autant plus retentissant qu’après avoir interdit quasiment toute autre candidature à droite (Borloo, Morin, Villepin, Boutin, Nihous), il ne dispose en vue du 6 mai d’aucune réserve de vote « naturelle ». Alors, dès le 23 avril à Saint-Cyr-sur-Loire (37), il a donné le ton de sa campagne de second tour : à l’extrême droite, toute.
Sarkozy a « écouté » le « message », « respectable », des électeurs de Le Pen qu’il « comprend », et il « tire la même leçon qu’eux ». Il va « leur répondre par des engagements précis », contre, pêle-mêle : les « spéculateurs », les « bureaucrates », les « corps intermédiaires qui veulent tout le temps décider à leur place », « l’insécurité », « l’immigration », la « régularisation massive des sans-papiers », le « communautarisme », la « burqa », la « technocratie », les « délocalisations », la « désindustrialisation », la « mondialisation sans règles », « l’arrogance » de la « finance », « l’Europe passoire »…
Reprenant directement le discours lepéniste, il revendique les « frontières » qui servent à « protéger », « l’identité nationale », la « nation », les « petits », les « sans-grade », les « ruraux », les « travailleurs qui ne veulent pas que ceux qui ne travaillent pas gagnent plus qu’eux », les « Français qui ne manifestent pas, ne protestent pas, ne cassent pas ». Et il pousse la provocation jusqu’à appeler à un rassemblement le 1er Mai en défense du « vrai travail » contre « l’assistanat », sur une ligne que l’on ne peut qualifier autrement que de néopétainiste. Certes au Trocadéro, dans le 16e arrondissement, à mi-chemin des ghettos très grand-bourgeois de Passy et de la rue de la Pompe !
Il y a deux façons d’interpréter ces propos inquiétants. La première met l’accent sur le fait que l’ami des grands patrons, le membre du couple Merkozy défenseur de l’orthodoxie financière de l’Europe néolibérale, agit encore une fois comme un opportuniste, un aventurier et un démagogue sans scrupules ni principes. Certains, plus optimistes, ajoutent qu’après que les électeurs ont à nouveau préféré l’original à la copie, Sarkozy continue sa fuite en avant en suivant l’adage inversé : on ne change pas une stratégie qui perd. Un second type d’interprétation insiste davantage sur la perméabilité, de plus en plus évidente, entre les idées – et peut-être bientôt les hommes – de la droite et de l’extrême droite. Évidemment, il y a des deux.
Pris entre le FN et aussi (malgré son mauvais résultat) le Modem, qui l’un et l’autre guettent ou espèrent une implosion de l’UMP consécutive à une défaite de son chef, situation qui leur permettrait de participer en position privilégiée à une recomposition de la droite – extrême d’un côté, « centriste » de l’autre –, le va-tout du président sortant prend des allures de pari désespéré. Pour autant, on ne peut prendre ses propos que pour ce qu’ils sont : une menace grave pour les classes populaires, le mouvement ouvrier, la gauche, celle d’une aggravation qualitative des agressions perpétrées depuis cinq ans. Alors le 6 mai, plus que jamais, il faudra aller dire et imposer : Sarkozy, dégage !
Jean-Philippe Divès