Publié le Samedi 11 octobre 2025 à 18h00.

Extrait de Sur le fascisme

Le bonapartisme, l’indépendance du pouvoir exécutif, est la forme « ultime » et en même temps la plus pourrie du pouvoir d’État bourgeois, à un stade où cette société bourgeoise est confrontée à la plus grande menace que représente l’assaut de la révolution prolétarienne, où la bourgeoisie a épuisé ses forces à repousser cet assaut, où toutes les classes sont affaiblies et prostrées, et où la bourgeoisie cherche à renforcer au maximum sa domination sociale. Ainsi, le bonapartisme est une forme de pouvoir d’État bourgeois dans une situation de défense, de fortification et de renforcement contre la révolution prolétarienne. C’est une forme de dictature ouverte du capital. L’autre forme, étroitement liée à celle-ci, est la forme étatique fasciste. 

Le dénominateur commun est la dictature ouverte du capital. Leur forme d’apparence est l’indépendance du pouvoir exécutif, la destruction de la domination politique de la bourgeoisie et la subordination de toutes les autres classes sociales à l’exécutif. Mais leur contenu social et de classe est la domination complète de la bourgeoisie et des propriétaires privés sur la classe ouvrière et toutes les autres classes exploitées par le capitalisme. […] Napoléon III opérait encore à l’époque du capitalisme de libre concurrence et de la révolution bourgeoise inachevée en Italie et en Allemagne. [...] Les guerres dynastiques de conquête qu’il dut mener, poussé par la légende napoléonienne et les contradictions internes du système, étaient alors en décalage avec leur temps : trop tardives, alors qu’il n’était plus le champion d’aucun principe révolutionnaire, trop précoces, alors qu’il ne disposait pas encore de la base économique appropriée pour être le champion du principe impérialiste. 

En revanche, la politique étrangère de Mussolini a dès le départ eu une base et une orientation impérialistes – au sens moderne du terme. Elle « correspond donc à son époque », même si elle revêt un masque antique, mais elle est ouvertement réactionnaire dès le départ. Elle doit se briser contre la contradiction entre, d’une part, les objectifs extravagants qu’elle se fixe et les moyens insuffisants pour les réaliser et, d’autre part, la contradiction entre la forme et la structure sociale d’une organisation militaire correspondant à la nécessité de soumettre toutes les classes de la société et de vivre à leurs dépens, et les exigences très différentes de la guerre impérialiste. Une autre différence, conditionnée par le développement général de la société bourgeoise et le niveau de la lutte de classe internationale, apparaît dans la base organisationnelle et les méthodes du pouvoir d’État fasciste. La « bande de décembre » de Louis Bonaparte était le pendant de la petite organisation révolutionnaire secrète de la classe ouvrière française de l’époque. Le parti fasciste est le pendant contre-révolutionnaire du Parti communiste de la Russie soviétique. Il s’agit donc dès le départ d’une vaste organisation de masse, contrairement à celle de Louis Bonaparte. Cela le rend plus fort à certains égards, mais accentue également ses contradictions internes, les contradictions entre les intérêts sociaux de ces masses et les intérêts des classes dirigeantes qu’il est censé servir.