Publié le Mardi 9 décembre 2025 à 15h58.

Fachosphère vs Fachorama

Depuis début novembre 2025, les éditions Libertalia ont mis en circulation Fachorama, un jeu de cartes satirique conçu — comme leur précédent jeu Antifa — en collaboration avec le collectif antifasciste La Horde. Publié un mois plus tôt, le jeu dresse un portrait critique de différentes figures et idéologies d’extrême droite. Mais l’une des cartes — celle représentant « le flic raciste de la BAC qui fait du contrôle au faciès » — a déclenché la colère du syndicat Alliance Police Nationale. Alors qu’Antifa avait déjà subi un retrait temporaire de la FNAC sous pression politique, un cap supplémentaire est franchi cette fois : le ministre de l’Intérieur a personnellement déposé plainte contre Libertalia, faisant de cette affaire un signal inquiétant quant à la criminalisation de la satire politique.

Du côté des éditions Libertalia, le constat est clair et la réaction déterminée. Elles expliquent qu’« il y a bien une plainte » et que « ça, ce n’est pas une fake news », contacté le cabinet du ministère le confirme. Elles relèvent « est-ce que cette plainte aboutira à un procès ? Rien n’est moins sûr », puisque « c’est au parquet d’en décider », mais soulignent que « Nunez, ministre de l’intérieur, s’attaque à nous pour flatter sa base policière, et notamment le syndicat Alliance ». Selon elles, cette offensive vise à préparer les futures élections professionnelles, « Alliance perd du terrain » et le ministre « fait tout pour leur donner des gages ». Elles rappellent que la carte incriminée affirme que « une grande partie des flics de la BAC est raciste », ce qui « relève de l’évidence » et est « tellement documenté » qu’un procès paraîtrait absurde. Et si jamais il devait avoir lieu, les éditions affirment qu’« on adoptera une position de combat » et qu’« on rappellera tous les crimes racistes et sécuritaires des 20 dernières années, commis par la police ». Elles soulignent enfin que « jusqu’ici, on n’avait jamais été attaqué par le ministre de l’Intérieur » et qu’« on a franchi un cap à nouveau dans le tout répressif ».

Cette affaire révèle un durcissement préoccupant : non seulement les critiques de la police sont de plus en plus ciblées, mais les médias dominants participent activement à l’emballement. Les chaînes du groupe Bolloré, comme une partie de la presse d’extrême droite à qui l’on déroule désormais le tapis rouge dans l’espace médiatique, ont abondamment relayé l’affaire pour déverser leur haine contre les milieux antifascistes, amplifiant encore la pression politique. Alors même que les violences policières, les contrôles au faciès et le racisme systémique sont largement documentés, on criminalise ici une simple carte de jeu. Cela en dit long sur la volonté de museler ce qui met en lumière les dérives structurelles de l’institution. Face à ce climat répressif, nous exprimons notre solidarité totale avec les éditions Libertalia et La Horde. Nous nous inscrivons dans un mouvement antifasciste et nous ne lâcherons rien.

Le jeu en rupture de stock actuellement sera réimprimé en janvier

Diego Moustaki