Publié le Lundi 24 octobre 2022 à 08h00.

Faire monter en puissance l’affrontement avec Macron

Autour des revendications salariales monte une colère que nous devons faire converger contre le pouvoir. La manifestation du 16 octobre a été impactée, en plus de révéler des capacités d’action importantes de LFI, par la confrontation engagée dans les raffineries et l’élargissement qui s’annonce maintenant dans d’autres secteurs.1

 

La mobilisation du 29 septembre a été mitigée. Avec près d’un enseignant sur deux en grève dans les écoles et 30% dans les collèges et lycées, la mobilisation a été importante dans l’éducation. Une mobilisation assise sur un ras-le-bol global concernant les conditions de travail et la remise en cause du statut. Dans le reste du service public et dans le privé, la grève a été plus faible. Selon les syndicats, 250 000 personnes ont manifesté. Cela a permis de marquer la rentrée sociale, de faire se retrouver les équipes militantes et de discuter des enjeux de cette rentrée. L’ampleur de la mobilisation est bien loin d’y répondre, face à l’inflation qui se confirme autour de 7 % sur un an, face aux attaques du gouvernement sur l’assurance chômage, face aux nouvelles menaces sur les retraites, face à la répression dans les lieux de travail contre les militantEs, aux personnes tuées par la police cet été en toute impunité et face à l’urgence climatique dont on a vu à nouveau les conséquences avec la canicule cet été.

 

De nouvelles attaques contre les classes populaires

Les attaques sur l’assurance chômage ne connaissent pas de répit : diminution des indemnités lorsque la situation économique est mauvaise et soi-disant les augmenter quand elle est bonne, alors que c’est évidemment l’inverse qu’il faudrait faire.

La répression contre les militantEs s’est développée après le reflux des luttes de ces derniers mois : contre Kai Terada, prof au lycée Joliot Curie à Nanterre, contre Jordan Rodrigues, gréviste en 2021-2022 à la Fnac Saint Lazare, contre des salariéEs de ST Microelectronics en Isère, ancienEs grévistes, sous des prétextes divers, et bien d’autres. À cela s’ajoute la réquisition des personnels des raffineries, une nouvelle attaque contre le droit de grève. C’est malheureusement dans ce contexte que des opérations d’expulsion de la CGT, sont menées en complicité entre les fédérations et les employeurs, comme à Stellantis (ex PSA) contre l’équipe autour de Jean-Pierre Mercier et Farid Borsali, après la grande purge à la Ville de Paris.

Pourtant, il serait nécessaire de développer la plus grande unité face au pouvoir, qui prépare de nouvelles attaques, en particulier sur les retraites. Il souhaite reculer encore l’âge légal de départ à la retraite, jusqu’à 65 ans en 2032, soit l’espérance moyenne de vie en bonne santé, qui est de 10 ans plus basse pour unE ouvrierE… Augmenter le nombre d’années de travail a pour autre effet de diminuer drastiquement les pensions par le biais des décotes.

Du côté du pouvoir d’achat, l’OFCE (observatoire français des conjonctures économiques) parle de deux années de baisse successives, avec des conséquences concrètes : des salariéEs qui ne peuvent plus payer le chauffage, d’autres qui ne peuvent plus remplir leur caddie au supermarché. Les prix des fruits et légumes ont augmenté de 9 % en deux ans, les ventes de produits ont fortement baissé (8,5 % pour la viande, 15 % pour le poisson, 11 % pour la crèmerie…), révélant les sacrifices réalisés dans les couches populaires.

Étendre, unifier

Entre les réformes de l’assurance chômage, des retraites et l’inflation, le point commun est de savoir quelle part des richesses revient aux salariéEs, et quelle part reste aux profits. En dénonçant les « superprofits », La France insoumise cible un aspect particulièrement scandaleux de cette logique, qui a poussé les salariéEs des raffineries et des entreprises du pétrole à réclamer 10 % d’inflation, en prévision d’une possible inflation équivalente. Ces salariéEs veulent une petite part d’un gâteau gigantesque, puisque Total va distribuer 2,6 milliards de dividendes à ses actionnaires, sur un total de 10,6 milliards de bénéfices pour le premier semestre 2022. Il faut réquisitionner ces superprofits, en urgence, mais, plus globalement, augmenter les salaires et tous les revenus.

En quoi peut-on parler de « superprofits » ? Les différentes branches de la production peuvent dégager des profits variés, en fonction de la valeur d’échange des produits sur le marché, fonction de la loi de l’offre et de la demande. Cette dernière peut déconnecter les prix de la valeur des marchandises, déterminés en termes marxistes par la somme du capital constant (machines utilisées, etc.) et du capital variable (salaires) nécessaire à les produire. Dans certains secteurs à haute rentabilité, en cas de pénurie, de spéculation, comme c’est clairement le cas pour les produits pétroliers, il y a effectivement des « superprofits », autrement dit des profits qui se fondent non sur une rentabilité classique du capital, mais sur un abus de position de monopole sur le marché mondial. En ce sens, les « superprofits » sont effectivement particulièrement illégitime. Mais pour nous, il ne s’agit pas de les taxer – même si on ne peut que regretter que la taxe sur les bénéfices ait été réduite de 50 % avant 1985 jusqu’à 30 % aujourd’hui2 – mais de réquisitionner ces secteurs pour répondre à plusieurs enjeux : inscrire ces sociétés dans une planification écologique, offrir des conditions de travail et salariales décentes aux employéEs, garantir un accès à ces ressources vitales pour les classes populaires.

Les revendications d’augmentation des salaires de 300 euros pour touTEs et un revenu minimum de 1800 euros net, du refus de la réforme des retraites et du retour de la retraite à 60 ans permettent de construire et d’unifier les luttes, des raffineries aux services publics en passant par toutes les entreprises où des conflits se déclarent actuellement.

Des luttes éparses à la grève générale ?

Ainsi, plusieurs centrales nucléaires sont touchées par des grèves pour réclamer des augmentation de salaires, comme à Gravelines où on réclame 5 % d’augmentation. Mais aussi Armor Méca, fabricant de pièces pour l’aéronautique, près de Dinan. Le délégué syndical FO, Patrick Renwez, déclare : « On n’a pas eu d’augmentation générale de salaire depuis quatre ans, on en a marre, les deux tiers des salariés présents sont en grève3 ». Chez Lactalis, à Lons-le-Saunier, la moitié des chaînes de production a été bloquée pour réclamer une augmentation supérieure aux 5,7 % décidés par la direction4. Les salariéEs de Daher, sous-traitant d’Airbus, qui emploie 600 personnes près de Toulouse, réclament 10 % d’augmentation face aux 5 à 6 % accordés par la direction ces dernières années5. À ST Microelectronics Crolles, la direction refuse d’augmenter les salaires, mais elle a versé 1 000 euros de prime exceptionnelle pour une grande partie des salariéEs en octobre.

La mobilisation dans les raffineries pourrait bien faire tache d’huile à la suite de la provocation du pouvoir sur la réquisition des grévistes, une véritable attaque contre le droit de grève. Et cela conduit la direction confédérale de la CGT à une riposte plus globale, en poussant pour une grève interprofessionnelle dès le 18 octobre, qui pourrait bien faire entrer le pays dans une phase de confrontation politique et sociale majeure.

Après le jeu désastreux qu’ont joué les directions de la CGT et de LFI sur le 29 septembre et le 16 octobre, chacune refusant de soutenir l’initiative de l’autre, la confrontation entre les raffineurs et le pouvoir pourrait mettre tout le monde d’accord. À nous en tous cas d’y œuvrer de toutes nos forces. Après la manifestation du 16 octobre et la grève du 18, il faudra construire de toutes nos forces la confrontation, et cela pour atteindre différents objectifs.

D’abord l’augmentation des salaires consolidé par l’échelle mobile. Ensuite empêcher une nouvelle réforme des retraites, catastrophique pour les classes populaires. Mettre un coup d’arrêt à la répression notamment contre les migrantEs et à l’ensemble des attaques de la bourgeoisie, patronat et gouvernement main dans la main. Et ainsi ouvrir une voie à la reconstruction d’un espoir pour une autre société. Il est vital d’y parvenir à courte échéance, en raison des dangers mortels qui nous menacent de plus en plus, la catastrophe écologique, la guerre et la montée de l’extrême droite raciste et antidémocratique.

En menaçant d’une dissolution de l’Assemblée nationale en cas de rejet de la réforme des retraites, Macron continue de tenter de solidariser les différents secteurs des classes dominantes, représentés par les divers courants de droite et d’extrême droite, contre le camp des prolétaires. Il hisse les prochains affrontements sociaux sur un terrain politique. Il faut assumer ce niveau de confrontation, tenter de construire le plus haut niveau de rapport de forces, la grève générale, en utilisant tous les leviers possibles.

Une politique unitaire, un projet révolutionnaire

On pourra évaluer dans la prochaine séquence ce que vaut la réorganisation de la gauche en cours : La France insoumise et la NUPES peuvent-elles jouer un rôle significatif dans la construction des mobilisations ? Les liens tissés entre militantEs dans le cadre des dernières élections législatives peuvent-ils y contribuer ? C’est le sens de la formule utilisée par le NPA : construire une « gauche de combat ». Ce mot d’ordre contient, comme toute formule d’interpellation, des ambiguïtés, il ne s’agit pas de dire que c’est le parti dont nous avons besoin pour faire la révolution, ni que la gauche institutionnelle pourrait devenir une telle « gauche de combat », mais de revendiquer, de proposer que les organisations du mouvement ouvrier priorisent la lutte sociale sur les débats parlementaires, sur le dialogue social, sur le travail dans les institutions. Et de regrouper toutes celles et tous ceux qui sont d’accord autour de cette orientation.

On verra également si les liens interprofessionnels construits lors de la dernière réforme des retraites peuvent se reconstituer. Un affrontement se construit, il ne se résoudra pas en quelques semaines mais en plusieurs mois. Des affrontements dans lesquels l’extrême droite sera aux aguets comme ce fut le cas dans les dernières mobilisations ou autour des thèmes "sociaux" dans la campagne électorale. Les militantEs révolutionnaires devront y prouver leur volonté de construire, de façon unitaire et combative, en s’appuyant sur la légitimité construite tant dans la campagne présidentielle de Philippe Poutou que dans les débats unitaires, tout en développant une compréhension plus globale des dangers qui nous menacent, de l’urgence de renverser le capitalisme.

La tentation pour une partie de l’extrême gauche de privilégier l’auto-construction ou des cadres d’organisation sectaires dans les luttes est un danger, il nous faut chercher une unité réelle de la classe, avec ses contradictions et ses différents niveaux de conscience, avec donc des cadres d’auto-organisation liant les représentations organisées de ces différents niveaux de conscience, pour entrainer toute le prolétariat dans l’action, le réel moteur des prises de conscience et de la reconstruction d’espoir dans une autre société.