La liste France insoumise pour les prochaines élections européennes n’en finit plus de créer des discordes en interne. Au-delà des luttes de places, le manque de démocratie est pointé du doigt par de nombreux militantes et militantes, et pas des moindres.
Depuis sa création, La France insoumise a parmi ses leitmotive celui de « faire de la politique autrement ». Et ce leitmotiv était supposé être sa boussole pour la constitution de sa liste aux élections européennes de 2019 en choisissant « une méthode d’élaboration […] totalement innovante en rupture avec les mécanismes des organisations politiques traditionnelles », comme on peut le lire sur leur site internet. C’est ainsi qu’a été mis en place un comité électoral de 32 membres, dont 18 tirés au sort parmi les Insoumis, et 14 représentantEs des différents secteurs du mouvement. Pour constituer la fameuse liste ordonnancée rendue publique début juillet, un appel à candidatures a été ouvert sur internet où 131 femmes et 506 hommes ont postulé, parmi lesquels 200 candidatures ont été retenues. Puis, en juin, une liste de 70 candidatEs non définitive et non ordonnancée a été arrêtée par le comité électoral. Enfin, une liste de 66 membres non définitive, ordonnancée, avec des candidatures femmes d’un côté et des candidatures hommes de l’autre, a été arrêtée et rendue publique le 4 juillet dernier. À y regarder de loin, ce dispositif peut paraître attractif et démocratique mais à priori au vu de ces derniers jours, c’est un peu plus compliqué.
La liste de la discorde
En effet, depuis la publication de cette « short list », La France insoumise connaît sa première crise interne majeure. Depuis le 4 juillet, les contestations, les retraits de candidatures, les tribunes se succèdent. Les premiers à dégainer ont été les « socialistes insoumis » qui ont décidé de « suspendre » leur participation à La France insoumise suite à la mise en position non éligible de Liêm Hoang Ngoc. Puis ce fut le tour de Sarah Soilihi, l’une des « oratrices nationales », candidate aux législatives à Marseille, de retirer sa candidature, tout comme Corinne Morel-Darleux, cadre du Parti de gauche. Toutes deux n’étaient pas en position éligible. Et plus récemment, c’est François Cocq, orateur national, qui n’est pas non plus en position éligible mais qui indique dans un long texte publié sur son blog qu’il s’agit pour sa part de désaccords stratégiques et quant à la « méthode ».
Face à ce mouvement de contestation, la direction fait la sourde oreille, défendant coûte que coûte sa méthode de travail, et vantant sans relâche la dynamique du mouvement. Par rapport à Liêm Hoang Ngoc et Corinne Morel-Darleux, on apprend que ces derniers n’auraient pas été placés en positions éligibles car ils étaient déjà élus localement. Or il semble que cette règle du non-cumul des mandats n’aurait pas été indiquée en préalable, et surtout non respectée lors des législatives 2017.
Pas de sauveur suprême
Au-delà des états d’âmes de toutes celles et tous ceux qui se voyaient en haut de l’affiche, la critique, venue des des militantEs, concernant la démocratie interne, devient de plus en plus importante. En ce sens, l’interview de Lilian Guelfi dans Libération du 4 juillet est symptomatique. Membre tiré au sort du comité électoral, il y décrit des façons de faire « malsaines », « manipulatrices » et « totalement verrouillées », loin, très loin du leitmotiv initial de faire autrement de la politique. Et, contrairement à ce que voudrait indiquer la direction de la FI, Lilian Guelfi n’est pas seul, comme en témoigne par exemple un long article publié sur Mediapart le 13 juillet1. Aujourd’hui de nombreux militantEs appellent les Insoumis à voter contre la liste proposée ; ils ont jusqu’au 20 juillet pour le faire.
La crise ouverte n’est pas récente. Déjà, pendant les législatives de 2017, certains militantEs étaient montés au créneau devant des candidats imposés par le haut. À y réfléchir, la situation actuelle n’est pas une surprise quand Mélenchon indiquait que « le but du mouvement de La France insoumise n’est pas d’être démocratique mais collectif » : tout est dit ou presque.
Joséphine Simplon
- 1. Pauline Graulle, « Un an après la présidentielle, des "insoumis" confient leurs doutes », Mediapart, 13 juillet 2018.