Publié le Mercredi 28 juin 2023 à 16h00.

La forteresse Europe, un mécanisme de l’impérialisme et du racisme

La disparition confirmée du sous-marin des très riches partis visiter l’épave du Titanic le 22 juin a mis au jour le contraste morbide entre les moyens déployés pour deux tragédies.

Pour le sous-marin, plusieurs bateaux, des moyens d’écoute perfectionnés, le déploiement d’un robot français capable d’aller à ces profondeurs, le tout doté d’une couverture médiatique hallucinante. À comparer avec la tragédie au large de la Grèce : un bateau de 750 migrantEs, repoussé par les garde-côtes grecs, qui s’abîme en mer faisant des centaines de disparuEs dont plusieurs dizaines d’enfants.

Le traitement différencié illustre la double dynamique à l’œuvre en Europe : renforcement toujours plus brutal d’une politique anti-migration associée à une déshumanisation des populations (non blanches) qui est censée les incarner. C’est une politique délibérée, avec des moyens démesurés, pour renforcer encore l’Europe forteresse au prix de tragédies humaines violentes et racistes.

Frontex, une machine de guerre européenne contre les migrantEs

Frontex est dotée d’un budget en constante augmentation : 755 millions d’euros en 2022 contre 365 millions en 2020 et 535 millions en 2021, dont la part principale (500 millions) est dédiée à l’European Standing Corps, la force armée européenne. Composé de 10 000 hommes, ce corps possède une flotte de 8 avions (qui avaient d’ailleurs repéré le bateau grec alors en détresse) et dont le suréquipement de surveillance est manifeste. Frontex finance également la recherche pour des solutions innovantes en matière de détection. La doctrine de Frontex vise autant les menaces militaires (type espionnage russe ou chinois) que les migrations. Les personnes migrantes sont vues comme des menaces existentielles.

Toujours plus de frontières

Le budget européen a beaucoup servi au développement des frontières terrestres notamment avec les pays dits tampons : par exemple, la Bulgarie a bénéficié d’importants budgets pour financer des drones et des radars, moyennant son intégration à l’espace Schengen. Un accord de janvier 2023 a développé un programme de 2 milliards d’euros pour la construction de nouveaux murs à la frontière avec la Turquie. Entre 2014 et 2022, la longueur totale des clôtures construites aux frontières extérieures de l’UE et au sein de l’UE et de l’espace Schengen est passée de 315 km à plus de 2 000 km. La frontière maritime est encore plus dangereuse : selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 2 406 migrantEs sont morts ou ont disparu en Méditerranée en 2022 (+ 16,7 % sur un an) et 1 289 depuis le début de 2023.

La sous-traitance des migrations aux pays de transit

La sous-traitance a commencé en 2016 avec l’accord UE-Turquie pour la crise syrienne. L’UE débloque 6 milliards d’euros sur cet accord : « Pour chaque migrant renvoyé en Turquie au départ des îles grecques, l’Union européenne accepte l’installation d’un Syrien de Turquie sur son sol, dans la limite de 72 000 personnes ». En Syrie, il s’agit de plusieurs millions d’euros depuis 2018 pour entretenir les centres de rétention qui sont de véritables prisons où les mauvais traitements, les tortures et les conditions de détention lamentables font l’objet de plusieurs dizaines de rapports d’ONG. Les garde-côtes libyens peuvent désormais menacer physiquement en toute impunité les bateaux humanitaires. Le dernier accord en date pour les pays tampons concerne la Tunisie et coïncide avec un renforcement du régime dictatorial et le développement de rhétoriques du grand remplacement pour justifier des actions violentes contre les migrantEs.

Les tensions sont aussi intra-européennes : Darmanin a accusé la Première ministre italienne Giorgia Meloni d’être « incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue » ajoutant « Meloni, c’est comme Marine Le Pen, elle se fait élire sur “vous allez voir ce que vous allez voir” et puis ce qu’on voit c’est que l’immigration ne s’arrête pas et que ça s’amplifie ». Cette « crise » bien orchestrée a des visées internes de concurrence sur l’immigration et permet la surenchère des idées de toutes les extrêmes droites en Europe.

Pour la suppression des frontières

Il n’y a pas de regain de la mobilité, il s’agit d’une politique déshumanisante et discriminante qui coûte un fric colossal. Les pays riches sont les acteurs de la colonisation, de l’impérialisme et du pillage des ressources et richesses, et maintenant du réchauffement climatique. Nous dénonçons les accords de sous-traitance ainsi que toute la politique de non-accueil des migrantEs qui renforce le racisme et le fascisme ainsi que l’Europe forteresse qui est une source de morts et de tragédies. Le NPA milite pour la suppression de Frontex, des frontières et des CRA, et pour la liberté de circulation et d’installation pour toutes et tous.