Dimanche soir, les résultats de la « Primaire populaire » ont été rendus. Et, sans grande surprise, c’est Christiane Taubira qui a été investie. Cette nouvelle candidature prétend rassembler la gauche, mais comment cela serait-il possible sans contenu politique ni stratégique ?
Indéniablement, cette primaire populaire a rencontré, malgré tout, un certain succès numérique. En effet, selon les organisateurEs, il y a eu 467 000 inscritEs pour cette investiture, parmi lesquelEs 392 738 votantEs. Ce sont donc 150 000 inscritEs de plus que « l’investiture populaire » qui a désigné Jean-Luc Melenchon, presque 350 000 de plus que ceux de la primaire écolo qui a investi Jadot, sans parler du faible nombre de militantEs du Parti socialiste qui ont désigné Anne Hidalgo. C’est évidemment moins, beaucoup moins que la « primaire citoyenne » pour l’élection de 2012, mais 10 ans après la situation politique et l’état de la gauche sont loin d’être comparables.
Une figure providentielle pour sauver la gauche ?
Au-delà du relatif succès de participation, cette primaire populaire révèle une crise sans précédent des vieux partis institutionnels issus du mouvement ouvrier, tels que le PS et le PCF. Cette primaire, qui se veut inédite dans sa forme, montre aussi qu’elle s’inscrit malheureusement totalement dans la Ve République, en particulier sur la question de la personnalisation et de la recherche de la figure providentielle. Christiane Taubira deviendrait ainsi, comme par miracle, la figure pour sauver la gauche sans même un début de programme. Et son intervention à l’issue de son investiture est révélatrice : aucune proposition concrète n’a été avancée face aux urgences sociales, démocratiques et écologiques du moment. Elle s’est contentée de vanter les vertus passées et présentes de la gauche, avec de belles formules et citations mais sans aucune critique y compris du quinquennat de Hollande.
Ce n’est évidemment pas une surprise pour celle qui, pratiquement jusqu’au bout, est restée au gouvernement sous Hollande, y compris quand Manuel Valls était Premier ministre. Un gouvernement, rappelons-le qui a mis en place l’état d’urgence, incarcéré des opposantEs, attaqué le code du travail, mis le pied à l’étrier à Macron, etc. Mais Christiane Taubira, qui incarne réellement la gauche libérale de ces vingt dernières années, apparaît pour un certain nombre loin de la gauche qui trahit. Elle représente pour beaucoup, et en particulier pour une partie de la nouvelle génération, une figure de proue des luttes antiracistes, pour l’égalité des droits avec en particulier son combat pour le mariage pour toutes et tous. Mais cela ne sera évidemment pas suffisant pour rassembler et sauver la gauche…
L’unité, oui mais…
La primaire populaire a remis sur le devant de la scène la question de l’unité sur le terrain électoral, répondant ainsi à une forte aspiration d’une partie de la population, dans une situation dégradée, d’extrême droitisation de la société et où la gauche ne fait plus référence. Nous ne sommes évidemment pas insensibles aux questions d’unité, même électorales, pour peu qu’elles soient posées à partir du contenu politique, d’un point de vue stratégique et donc comme programme. Nous pensons que Macron devrait être sanctionné pour l’ensemble de son œuvre sans aucune hésitation. Mais si vouloir « battre Macron » ne doit évidemment pas ouvrir la voie à la droite et à l’extrême-droite, cela ne peut se faire par des raccourcis ou par le seul étendard de l’unité.
Pour le NPA, l’unité de notre camp social est une donnée stratégique importante pour remporter des victoires, mais cette dernière ne peut se faire à tout prix et n’est surtout pas une fin en soi. Comment serait-il possible, par ailleurs, de laisser croire que des héritierEs du Hollandisme ou des représentantEs de courants politiques qui ont participé à cette dernière et dramatique expérience de la « gauche » au pouvoir pourraient se regrouper avec celles et ceux qui l’ont combattue, y compris dans la rue ? Sur le fond, comment pourrions-nous en outre être en accord quand les unEs et les autres veulent « gérer le système » et que nous nous voulons le changer ? C’est ainsi que pour nous, il ne peut y avoir de demi-mesures, voire des reculs, mais un véritable programme radical qui s’en prend à la racine du problème.
Défendre une orientation et une stratégie claires
Pour nous, l’unité doit avant tout être celle pour les luttes et les mobilisations dont une grande partie de la gauche a été absente ces dernières années, y compris sous Macron. Comment être unis dans les urnes sans l’être dans l’action, pour la défense de mesures pour notre camp social ou contre les offensives réactionnaires ? Cela veut dire discuter que ce qu’il est possible de faire ces prochaines semaines, car nous n’envisageons pas la campagne électorale comme une parenthèse, en particulier contre l’extrême droite, pour les droits sociaux, démocratiques et l’urgence écologique. Pour cela, il faut mener les débats jusqu’au bout sur les questions programmatiques et stratégiques. Regrouper autour d’une gauche de rupture avec le capitalisme reste donc une nécessité, et la campagne Poutou reste pour nous le meilleur moyen de mener le plus largement les discussions pour y arriver.