Au soir du second tour de l’élection présidentielle en Guyane, Martinique et Guadeloupe, c’est le coup de tonnerre. Marine Le Pen, l’héritière de l’extrême droite colonialiste, négrophobe et suprémaciste, arrive en tête dans ces trois territoires avec des scores astronomiques, 60 % en Martinique, 60 % en Guyane et 70 % en Guadeloupe.
Au soir du premier tour, Mélenchon fait ses meilleurs scores dans ces trois territoires (50 % en Guyane, 53 % en Martinique et 56 % en Guadeloupe). Parallèlement, Macron y fait ses moins bons scores (14 % en Guyane, 16 % en Martinique et 13 % en Guadeloupe). L’extrême droite (RN et Reconquête cumulés) fait quand à elle des scores en léger recul en Guyane (22 % contre 24 % en 2017) et en forte progression en Martinique (16 % contre 11 % en 2017) et en Guadeloupe (20 % contre 13 % en 2017).
Un second tour marqué par un fort vote anti-Macron
Le second tour a lui été marqué par un fort vote anti-Macron, avec un important report de voix des électeurEs de Mélenchon sur le vote Le Pen. Au vu des résultats du premier tour, on aurait pu s’attendre à une abstention massive, mais c’est le contraire qui s’est exprimé avec une hausse de deux à trois points de la participation. On pouvait également s’attendre à une vague de votes blancs et nuls mais, bien que leur nombre soit légèrement plus élevé qu’au niveau national (8,5 % contre 12 % en Guyane, 13 % en Martinique et 11 % en Guadeloupe) le vote blanc ou nul n’a pas été massivement utilisé pour marquer sa désapprobation de l’affiche du second tour. Ce que l’on constate c’est que les électeurEs ont utilisé massivement le bulletin de vote Le Pen pour voter contre Macron.
Comprendre les ressorts du vote Le Pen
Nous voyons trois ressorts qui ont permis l’expression de ce vote Le Pen. Tout d’abord la dédiabolisation du RN qui a marché plein pot. Lorsqu’un Zemmour assume ses sorties suprématistes, il est facile pour Le Pen de s’en démarquer afin de policer son image. Cette dédiabolisation a fonctionné, permettant à la Présidente du RN de parader en Guadeloupe lors de la campagne, ce qui semblait encore impossible lors de la dernière présidentielle.
Autre élément non négligeable, c’est l’absence de représentants locaux du RN. Paradoxalement, cette absence fait qu’il n’y a pas d’identification claire de ce que représente l’idéologie du RN dans ces territoires. Si les Antillais voyaient par exemple, les représentants locaux du RN soutenir les békés et condamner les militants qui déboulonnent les statues, ils estimeraient plus justement les dangers que représente l’idéologie fasciste dans ces colonies.
Réseaux complotistes
Enfin, il nous semble important de revenir sur ce qui fut moteur de la révolte dans les Antilles et qui ne semble pas étranger au vote massif pour l’extrême droite, à savoir l’influence des réseaux complotistes dans ces trois territoires où l’opposition à l’obligation vaccinale c’est rapidement transformée en opposition à la vaccination anti-covid. Alimenté par les réseaux sociaux, les thèses complotistes se sont d’autant plus facilement répandues que la défiance envers l’État colonial est grande et s’est massivement diffusée par les boucles militantes de syndicats, d’organisations panafricanistes ou nationalistes. De manière assez inhabituelle, on a vu des dizaines de vidéos clairement identifiées d’extrême droite, qui ont circulé sur l’ensemble des réseaux sociaux, sans soulever de grandes oppositions.
Nous devons donc clairement mesurer l’impact de ces divers réseaux sous influence de l’extrême droite afin de mieux les combattre. Les formations militantes à l’antifascisme vont devoir se multiplier ces prochains temps pour éviter la contagion par le poison mortel de l’extrême droite.