Le 8 octobre, la Vlaams Huis (Maison flamande, local d’extrême droite) organisait près de Lille une fête du cochon pour s’opposer au hallal et à « l’islamisation ». Sentant un climat politique favorable, la VH en profitait pour annoncer une manifestation nationale à Lille.
Par peur de voir leur initiative interdite, les organisateurs passèrent la semaine à crier partout qu’ils n’étaient pas d’extrême droite, ce dont personne ne fut dupe. Claude Hermant, le chef de la VH, et le sinistre Serge Ayoub (leader du groupuscule Troisième Voie) auront bien du mal à faire oublier leurs passés : barbouze et ancien du service d’ordre du FN pour l’un, meneur des skins fascistes parisiens des années 1980 pour l’autre.
Afin de brouiller les repères idéologiques, la manif fut déposée sur des revendications sociales et en hommage à Roger Salengro. Outre que la ficelle était vraiment grosse, la récupération cynique était en plus immonde quand on sait que Salengro, ancien maire de Lille, fut poussé au suicide par une campagne infamante d’extrême droite sous le Front populaire. Avec le renfort du Front comtois, des Nationalistes autonomes lorrains, des Belges de Nation, environ 500 militants d’extrême droite radicale ont défilé dans des rues périphériques vides sous la bannière d’un obscur Front populaire solidariste. Le service d’ordre eut bien du mal à faire respecter les consignes de manif sociale, s’échinant à couvrir les slogans nationalistes habituels, ou à faire taire ceux qui se présentaient comme identitaires à la presse, au lieu de solidaristes. Dans leur stratégie de récupération de symboles ouvriers, ils ont terminé place Degeyter, du nom du marxiste belge compositeur de l’Internationale, où ils ont été conspués par des habitants de ce quartier populaire et métissé.
Au même moment, à l’autre bout de la ville, défilait le cortège du collectif unitaire antifasciste. Ayant visiblement mal mesuré l’ampleur de la dynamique impulsée par ce collectif, la préfecture avait annoncé dans la presse que nous serions 300… nous étions plus de 2 000 ! Et cela aurait pu être encore mieux sans l’absence notable de certaines organisations, et sans la paranoïa distillée par une certaine presse, souhaitant sûrement que cela tourne mal, ce qui ne fut pas le cas.
Si l’on peut regretter que les autorités aient laissé l’extrême droite radicale parader et qu’elle nous ait interdit le centre-ville, le but de la manif était malgré tout atteint : écraser numériquement les fascistes, dans l’unité, les rendre inaudibles dans des rues désertes tandis que nous étions visibles dans un quartier populaire, mobiliser la population lilloise (et d’autres régions venues en soutien) pour faire avancer nos valeurs de solidarité et de métissage. Et, surtout, redonner des habitudes de travail antifasciste unitaire aux organisations de la région. En cadeau, à leur retour à Besançon, les nervis du Front comtois ont pu admirer le magnifique piratage de leur site par des antifascistes !
Antoine Sindelar