Emmanuel Macron a décidément un sens du timing bien à lui. Alors que la contestation de ses politiques au service des riches ne faiblit pas, il a ainsi fait le choix d’organiser, le 21 janvier, la deuxième édition du grand raout « Choose France », en compagnie de 120 patrons de multinationales et d’une trentaine de chefs d’entreprises françaises. Un « sommet » organisé, tout un symbole, dans les salons feutrés et sous les dorures du château de Versailles, sous forte protection policière et à l’abri des regards de la plèbe des Gilets jaunes.
Sens du timing toujours lorsque la présidence, pour vanter les mérites des multinationales qui font le choix d’investir en France, publie le 21 janvier au soir, sur le compte Twitter de l’Élysée, une interview de Sébastien Missoffe, directeur général de Google France. Le même jour, la Commission nationale de l’informatique et des libertés venait d’infliger une amende de 50 millions d’euros à Google, coupable de ne pas informer clairement ses utilisateurs sur l’exploitation de leurs données personnelles. Et l’on n’évoquera pas ici les informations publiées au début du mois de janvier par lesquelles on apprenait que Google a déplacé artificiellement, au cours de l’année 2017, 19,9 milliards d’euros de profits vers un paradis fiscal, les Bermudes.
Sens du timing enfin avec la concomitance entre cette petite sauterie pour ultra-riches et la publication d’un rapport d’Oxfam établissant que les 26 plus grandes fortunes de la planète – dont certaines étaient présentes ou représentées à Versailles – possèdent désormais autant que la moitié de l’humanité, soit un niveau d’inégalités jamais atteint. Comme le souligne le rapport de l’ONG, le budget de la santé de l’Éthiopie représente ainsi 1 % de la fortune de l’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos, patron d’Amazon…
C’est plus fort que lui. Le président des riches ne peut s’empêcher de se poser en premier de sa classe, quitte à multiplier les provocations et alimenter la colère qu’il prétend vouloir canaliser par l’écran de fumée du « Grand débat ». Faire les yeux doux aux plus riches tout en n’affichant que mépris pour les plus modestes : les postures de Macron sont à l’image de sa politique, et elles ont largement contribué à nourrir la colère qui s’exprime depuis deux mois au travers du mouvement des Gilets jaunes. Ainsi, alors que l’édifice de la start-up nation vacille, le Versaillais Macron continue d’afficher son arrogance de classe et sa satisfaction. Mais gare à la revanche, quand touTEs les pauvres s’y mettront.