La démagogie de l’UMP et en particulier de Sarkozy banalise les préjugés réactionnaires. Il est temps de rompre cette logique qui nourrit l’imposture de Marine Le Pen.Selon un sondage récent de la Sofres, 31 % des sondéEs se disaient d’accord avec les idées du FN, principalement dans les milieux ouvriers ou populaires. Plus inquiétant encore, selon ce même sondage, ce serait les thèmes de la sécurité, de la défense des « valeurs traditionnelles », de la démagogie anti-immigrés qui feraient recette. La façon dont sont posées les questions, la place donnée au FN dans les médias, ont certes tendance à amplifier l’effet Marine Le Pen, en particulier à l’exagérer dans le monde du travail, mais il n’empêche que la poussée du FN et de façon plus générale des préjugés dont il se nourrit est bien réelle.
Le jeu pervers des rivalités entre Sarkozy et Hollande, chacun se servant du FN comme faire-valoir en faveur du vote utile, propulse Marine Le Pen au centre de la campagne et lui permet de tirer profit de sa politique visant à donner à son parti une nouvelle « respectabilité » pour en faire un parti susceptible de s’allier avec la droite.
Dans leur course à l’électorat Lepeniste, Sarkozy, Guéant et compagnie renforcent le FN que ce soit dans la célébration de Jeanne d’Arc ou la démagogie xénophobe et anti-immigrés. Brigitte Barrèges, députée UMP et membre de la Droite populaire, vantait il y a peu la « préférence nationale ».
Le FN se nourrit du rejet par une large fraction de la population de tous les partis de droite ou de gauche qui portent la responsabilité de la crise depuis vingt ans. Et, aujourd’hui, les mêmes tentent de masquer leur impuissance par un discours nationaliste, seule façon pour eux de laisser croire qu’ils se soucient des intérêts du peuple. Le FN pousse jusqu’au bout cette démagogie tout en prétendant se faire le porte-parole des classes populaires. La « foire aux impostures » qu’est la campagne des grands partis, pour reprendre la formule de Politis, profite à l’imposture la plus cynique, celle qui, sans vergogne, flatte tous les préjugés. Marine Le Pen dame le pion à Sarkozy.
Sa politique est hostile aux classes populaires. « Mon ambition est d’aller jusqu’à désendetter la France », prétend elle. Elle rebaptise l’austérité « plan de vigueur » pour « trancher le nœud gordien de la dette » par son « modèle économique patriotique ». Rupture avec l’Europe, retour au franc, une taxe de 3 % sur les importations, lutte contre l’immigration légale et illégale, recours à la « planche à billets » et en prime une augmentation de 200 euros net pour les salaires inférieurs à 1,4 Smic (prise en charge par l’État par une diminution des cotisations sociales patronales). Cette politique, qui ne pourrait s’appliquer que dans le contexte d’un effondrement de l’Europe capitaliste, représenterait une régression dont les travailleurs et la population seraient les victimes.
« Beaucoup de Français doutent de l’utilité du bulletin de vote et des centaines de milliers de nos compatriotes peuvent avoir envie de donner un grand coup de pied dans la fourmilière » selon le porte-parole du PS, Benoît Hamon. Oui, mais à qui en revient la responsabilité, si ce n’est à la gauche tant sociale que politique, incapable d’avoir une politique répondant aux besoins et aux intérêts de la classe ouvrière, de la population. La démoralisation qu’elle engendre laisse chacun isolé, sans perspective collective, livré aux démagogues.
Construire une perspective démocratique fondée sur la solidarité des peuples contre la concurrence capitaliste et toute forme de nationalisme, masque de la défense des classes privilégiées, est la seule voie pour contrer la montée du populisme réactionnaire.
Yvan Lemaitre