Publié le Lundi 28 novembre 2022 à 08h00.

Partout dans le monde faire face à la menace fasciste

Avec l’élection de Jordan Bardella, sans surprise, à la présidence du Rassemblement national (RN), ce 18e congrès ne déchaîne pas un engouement massif en dehors du parti. Le slogan de Bardella, « on continue », n’annonce aucun changement majeur, pas même une fronde venue du Pas-de-Calais. Pourtant, le passage de flamme à un autre qu’un Le Pen, ouvre une nouvelle époque.

70 % des 36 000 adhérents auraient participé au vote, avec 12 000 nouveaux cotisants à 20 €. En 2018, le FN annonçait 27 000 réponses pour une consultation de 51 000 adhérents. En 2021, le RN revendiquait « 83 000 adhérents et sympathisants ». L’érosion militante n’est pas stoppée. Mais Bardella galvanise les troupes, appelant à la discipline et l’exemplarité, pour « s’aguerrir », occuper le terrain culturel et faire « émerger les concepts de demain ».

« Lorsque les fascistes reviendront, ils auront le parapluie bien roulé sous le bras et le chapeau melon1 »

À l’issue de ce congrès, le RN ne fait pas le choix de renforcer ses structures militantes de terrain. Les députéEs sont néanmoins incités à construire un travail militant dans leur circonscription, auprès des associations de parents d’élèves, de syndicats. Ce travail vise à se préparer à une éventuelle dissolution de l’Assemblée mais aussi à préparer le terrain pour les municipales de 2026, un tour de chauffe pour la présidentielle. La tactique reste inchangée, celle de la normalisation dans le but d’entrer tranquillement à l’Élysée avec une majorité à l’Assemblée en 2027.

Ce travail institutionnel s’articule néanmoins avec le processus de fascisation que nous observons avec le développement de l’autoritarisme – dont la répression de grande ampleur à l’encontre des mobilisations sociales est un des symptômes – et les offensives racistes – comme nous le rappelle la future loi immigration prévue pour 2023. Il s’articule également avec le mouvement de fond à l’œuvre dans les forces de répression dont les votes très importants pour l’extrême droite et les assassinats pour refus d’obtempérer nous éclairent sur leur capacité à mettre en œuvre, de bon cœur, un programme représentant un saut qualitatif raciste et liberticide.

Nous ne sommes donc pas de celleux qui voient dans l’intégration du RN aux institutions son intégration à la démocratie bourgeoise mais plutôt un symptôme de la décadence et la dégénérescence de cette dernière.

USA, Brésil, Italie : « l’Histoire ne se répète pas, elle bégaie2 »

Notre approche du fascisme reste encore largement déterminée par les expériences italiennes et allemandes, résumée en trois étapes par Daniel Guérin dans Fascisme et grand capital : la guerre civile, la normalisation en vue de la marche vers le pouvoir, la dictature fasciste et la purge des éléments populistes.

Pourtant le passage au pouvoir de Trump aux USA et de Bolsonaro au Brésil semble nous indiquer que le fascisme peut prendre d’autres voies pour se constituer. L’accession au pouvoir de ces dirigeants d’extrême droite a servi d’accélérateur à la construction de ces courants, à leur renforcement militant et les a conduits à utiliser la violence et la constitution de milice non pas pour accéder au pouvoir mais pour tenter de s’y maintenir. Ces courants cherchent à s’appuyer sur l’exercice du pouvoir pour se renforcer.

En tant que matérialistes, nous ne devons ainsi pas perdre de vue que les orientations politiques restent en grande partie déterminées par ce qui se passe dans les rapports économiques et sociaux. Nous venons d’indiquer en quoi le politique et l’accession au pouvoir central permettent des accélérations mais le niveau d’affrontement entre les classes est déterminé par les rapports économiques et sociaux, la situation de crise du système.

Ainsi l’arrivée au pouvoir des postfascistes de Fratelli d’Italia se place dans un contexte de crise économique profonde, d’accentuation des tensions impérialistes sur le plan international, pouvant conduire à la guerre comme en Ukraine aujourd’hui et peut-être demain à Taïwan. Le gouvernement Macron mène une offensive liberticide d’ampleur à travers la répression des rave party. La rédaction du décret de loi menace de 6 ans de prison et 10 000 euros d’amende invasion de terrains et d’édifice par plus de 50 personnes, des dispositions qui pourraient donc s’appliquer à un débrayage dans une entreprise ou l’organisation d’une AG dans une université.

Ces menaces et dynamiques doivent nous faire prendre conscience de l’urgence d’une riposte antifasciste et sociale unitaire, à brève échéance.

  • 1. Georges Orwell, 1984.
  • 2. Phrase attribuée à Marx mais dont il ne semble pas être l’auteur.