Que font Hollande et son gouvernement dans les jours qui suivent les élections régionales dont le Front national sort grand gagnant ? Bien loin de chercher à assécher l’extrême droite en luttant contre la désespérance sociale, ils adressent un véritable bras d’honneur à celles et ceux qui souffrent et désespèrent.
La semaine a commencé très fort. Dès le lundi matin suivant le second tour, le gouvernement a annoncé qu’il maintenait pour 2016 son veto à tout « coup de pouce » au SMIC. Au 1er janvier, le salaire minimum ne sera donc augmenté que du strict minimum, à savoir 0,6 %, 6 euros par mois, 19 centimes par jour ! La ministre du Travail Myriam El Khomri ressort la même rengaine – selon laquelle un coup de pouce ne serait pas « la meilleure solution pour augmenter le pouvoir d’achat compte tenu de ses effets sur le coût du travail et donc l’emploi » – qui, de Sarkozy au PS, sert à justifier la poursuite de l’austérité.
Tout va donc continuer comme avant, en pire !
Le budget d’austérité est devenu un non-événement. Pourtant, la cuvée 2016 adoptée définitivement le jeudi 17 décembre par le Parlement mérite qu’on s’y arrête. Quelques minutes après les résultats des régionales, Manuel Valls déclarait que ces derniers étaient une « injonction » à « agir, sans relâche, plus vite » contre le chômage. Mais, à part l’éternel baratin sur les baisses de cotisations, toujours baptisées « charges », censées enclencher une dynamique économique censée elle-même à son tour inverser la courbe du chômage, il n’y a rien ! On a toujours droit au refrain sur la « maîtrise de la dépense publique », 50 milliards d’économie sur la période 2015-2017, donc toujours moins pour l’éducation, l’emploi, l’écologie, ou encore l’aide au développement...Mais les restrictions ne sont pas pour tout le monde. Les entreprises d’abord verront à nouveau leurs impôts baisser : « 33 milliards d’euros d’air frais », claironne le ministère de l’Économie ! Et, comme désormais le « pacte de sécurité » doit passer devant le pacte de compétitivité, la police et la gendarmerie, la justice et l’armée vont bénéficier de 700 millions d’euros de dépenses supplémentaires.Le Parlement a failli laisser passer une mesure de gauche, mais le gouvernent veille au grain ! En effet, les Verts et quelques députés socialistes avaient réussi à faire voter le « reporting public pays par pays », c’est-à-dire l’obligation pour les entreprises françaises de rendre publics tous les détails sur leurs filiales, leur localisation, leurs bénéfices et les impôts qu’elles payent où qu’elles soient dans le monde. Mais au nom de la sacro-sainte compétitivité des entreprises françaises, et à la faveur d’une manœuvre de procédure, exit toute velléité de lutter contre l’évasion fiscale ! Le Medef peut une fois de plus applaudir... et les associations mobilisées contre le pauvreté et les inégalités déplorer une nouvelle reculade.
Nous n’avons pas la mémoire courte
Le comble du cynisme a été atteint jeudi. Alors que, depuis qu’il a été élu, Hollande n’a eu de cesse d’envoyer toujours plus de troupes françaises intervenir à l’étranger, alors que du Mali à la Centrafrique, d’Irak en Syrie... sa politique de va-t-en-guerre est la digne héritière de celle des gouvernements sociaux-démocrates qui l’ont précédé, il ose aller parader devant le Monument des fraternisations. Sans mémoire ni honte, il commémore les soldats qui ont fraternisé lors du Noël 1914, ces jeunes, britanniques, français, allemand, ennemis supposés... qui se sont rassemblés, ont joué, échangé, partagé...Pourtant à n’en pas douter, ce gouvernement qui assigne à résidence les militants écologistes, refoule les internationalistes venus manifester pour « changer le système, pas le climat », interdit les manifestations, n’aurait pas été du côté des soldats qui ont fraternisé mais du côté de ceux qui, quelques mois plus tard, ont fusillé pour l’exemple ceux qui n’en pouvait plus de la boucherie des tranchées.Qu’il fasse tout cela par simple calcul politique pour être réélu en 2017, piéger et marginaliser le droite afin de se retrouver seul « recours » face au FN, donne simplement envie de vomir. Il n’y a pas d’autre issue que de construire nos résistances, que de dire nous aussi « Nous pouvons » : nous pouvons nous représenter nous-mêmes, nous pouvons imposer nos propres réponses pour la justice sociale et environnementale.
Christine Poupin