Publié le Mercredi 12 mars 2025 à 18h30.

Perpignan, laboratoire politique du RN

Bien qu’au fin fond de l’hexagone, loin des états-majors nationaux, Perpignan est devenue — avec l’élection à la mairie de Louis Aliot, vice-président du RN-FN — un enjeu national pour l’extrême droite et, par conséquent, de la lutte contre l’extrême droite. 

Si la gauche n’en a pas pris toute la mesure, Marine Le Pen, elle, a bien compris qu’elle avait là, dans une capitale départementale, un laboratoire pour sa politique ultra-réactionnaire et une vitrine pour faire la preuve aux yeux de la droite et de la bourgeoisie que son parti est un gestionnaire responsable. D’où son choix de Perpignan pour tenir le congrès qui l’a désignée candidate à la présidentielle ou pour parader avec Bardella lors du dernier 1er Mai. Ainsi, Aliot, qui a su débaucher une partie de la droite locale et tenir en laisse les nervis ouvertement fascistes, évite de faire trop de vagues — dédiabolisation oblige — tout en mettant en œuvre la politique du RN-FN dans les limites de ce que permet un pouvoir municipal. Mais qui préfigure ce que serait une France sous domination RN-FN.

Trois chevaux de bataille : « sécurité », racisme et ultra-nationalisme

Aliot a confié la « sécurité » à Xavier Raufer, un ancien chef des nervis fascistes du groupe Occident. Perpignan, dans le peloton de tête des villes qui comptent le plus de chômeurEs et de pauvres, a le record national du nombre de flics et de caméras de surveillance par habitantE. La ville est quadrillée par une cinquantaine de maires de quartier nommés par Aliot, qui organisent la délation. Tout comme ce réseau de surveillance avec des commerçants en lien direct avec la police municipale pour dénoncer tout « comportement suspect ».

La cible de cette « sécurité », objet d’une com qui sature l’espace public ? Les habitantEs des quartiers populaires, ces quartiers qu’il s’agit, selon le chef de la police municipale, de « réinvestir ». Une expression qui pue la guerre coloniale. La chasse au faciès, agrémentée de violences dont la presse se fait régulièrement l’écho, est la norme dans les quartiers populaires du centre-ville. Aliot compte les épurer des MaghrébinEs et GitanEs qui y habitent — à coups de bulldozers détruisant les immeubles et de juteuses opérations immobilières de gentrification — et empêcher aussi bien l’installation de commerces dits « arabes » que l’accueil des MNA (mineurEs non accompagnés).

Le racisme est aussi au cœur de sa campagne de glorification de l’Algérie française. Chaque année, une commémoration algérianiste. Chaque 19 mars (date du cessez-le-feu de la guerre d’Algérie), les drapeaux sont mis en berne. À l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance algérienne, le maire a décrété Perpignan « capitale des Français d’Algérie ». Après avoir fait « citoyens d’honneur de la ville » le tortionnaire Denoix de Saint-Marc et les généraux Jouhaud et Zeller (organisateurs du coup d’État d’Alger de 1961), Aliot a baptisé une esplanade du nom de Pierre Sergent, le chef des assassins l’OAS-métropole. Le tout complété par une débauche de commémorations patriotardes et de festivités autour d’une France soi-disant éternelle, de nature intrinsèquement chrétienne, version catholicisme traditionaliste. Sans oublier une attaque systématique contre l’identité catalane de la ville…

Aliot donne enfin un avant-goût de l’étouffement par l’extrême droite de la liberté d’expression en faisant déposer par la ville (au frais des contribuables) des plaintes contre ses opposantEs politiques, et y compris contre la presse.

Front unique contre Aliot et l’extrême droite !

La résistance antifasciste n’a commencé qu’avec la manifestation, largement portée par les syndicats, qui a réuni 3 000 personnes à l’occasion du congrès du RN à Perpignan en juillet 2021. Depuis, même s’il nous faut trop souvent nous battre pour dépasser les querelles et les intérêts d’appareil, la gauche parvient à se retrouver la plupart du temps pour se mobiliser contre les provocations algérianistes d’Aliot. Ce que, malheureusement, ne suscite pas sa politique raciste sécuritaire et antigitane. Mais dégager Aliot en 2026 — un enjeu national — ne pourra se faire sans unité ni sur le seul terrain électoral. Il faudra combattre par des mobilisations chacune de ses mesures réactionnaires et leur opposer une politique vraiment de gauche.

Correspondant