Le résultat du 1er tour de la primaire écolo vient de tomber. 106.222 personnes ont voté sur 120.000 personnes inscrits. Le deuxième tour opposera Yannick Jadot (27,7%) et Sandrine Rousseau (25,14%). Delphine Batho arrive troisième, avec 22,32 % et Eric Piolle, totalise 22,19 %. Quant à Jean-Marc Governatori, il réalise 2,35 % des voix.
La première impression est que la dynamique Rousseau que l’on pouvait sentir est réelle. Elle élimine ainsi Piolle, alors que beaucoup voyaient un 2nd tour Jadot-Piolle.
Mais est-ce que ces résultats veulent dire quelque chose ?
Nous devons d’abord dire que, pour les électrices et électeurs écologistes, les candidatEs ne représentent pas la même chose. En effet, si Jadot symbolise la « présidentiabilité », un candidat libéral-compatible adepte du capitalisme vert, Rousseau se situe plutôt sur le terrain de la recomposition politique, pour l’union de la gauche. Elle a aussi mis en avant des sujets de lutte important, comme le féminisme, ce qui ne peut pas nous laisser indifférents.
Ecologie et anticapitalisme, quelle gauche voulons-nous ?
Sur le fond, la différence entre les deux finalistes (et tous les autres candidatEs) n’est pour autant pas évidente. Tactiquement, ils/elles optent pour des options différentes, mais aucunE d’elleux ne souhaitent vraiment sortir du capitalisme et de ses institutions bourgeoises. En 2020, à la suite de la victoire des verts à la mairie de Poitiers, j’écrivais ces lignes qui, dans le contexte actuel, restent d’une actualité brûlante : « La vision réformiste qui prétend que les institutions politiques sont neutres, et qu’il est possible, en s’y investissant, de les modifier, ne prend pas en compte la dimension capitaliste de l’État. La république française ne découle pas directement de la révolution : il y a eu, entre 1789 et aujourd’hui, plusieurs contre révolutions, monarchistes, impériales, bourgeoises. Aussi, ces institutions sont façonnées dans un but précis : garantir le pouvoir économique, symbolique, politique de la bourgeoisie. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible que ce soit par le biais des institutions que la population reprenne goût à la politique. Contrairement à ce que l’on peut penser, ce ne sont pas les gens qui se détournent de la politique par inintérêt, mais la politique institutionnelle qui est faite de telle manière que les gens n’y sont pas légitimes. Les codes vestimentaires, le langage, les réseaux, le poids de la haute-administration, l’autonomisation de certains secteurs publics (notamment la police). Bref, les raisons de l’absence de participation sont avant tout sociales.
Le rejet de la politique, réel, est un rejet précisément des institutions politiques, et de ce qui va avec (les partis). Dans une telle crise tout ce qui touche à la politique est rejeté (y compris les formes révolutionnaires, mises dans le même sac que les principaux partis de gouvernement). ». En effet, si certaines prises de position de Sandrine Rousseau nous apparaissent sympathiques, nous ne pouvons dire que son projet global est à la hauteur de la situation. En effet, alors qu’une minorité sociale, la bourgeoisie, détient le pouvoir politique et économique, comment envisager d’en finir avec les inégalités, la pauvreté, la pollution, sans sortir du capitalisme ? L’anticapitalisme n’est pas une notion morale : c’est une vision politique radicale qui dit que la solution ne peut pas passer par les institutions mais par la force directe de celles et ceux qui luttent.
On notera par ailleurs que le problème n’est pas que tactique. En effet, le mot capitalisme n’est que très rarement cité. Il faut aussi rappeler que EELV a participé au gouvernement Hollande. Certes en y étant minoritaire, mais cela est révélateur de la stratégie de ce parti. Pour EELV, la solution passe par une participation dans les institutions. Dans les assemblées locales (régions, départements, villes), EELV est très souvent alliée au PS et au PCF. Très clairement ce parti se retrouve complètement dans la gestion du capitalisme dans le cadre de la gauche plurielle. Aussi, il n’y a rien à attendre d’elleux du point de vue d’un changement radical (même si c’est possible avec certainEs militantEs). Pourtant, une véritable politique écologiste nécessite une expropriation des grands groupes capitalistes, une planification démocratique de l’économie, la sortie rapide du nucléaire et des énergies fossiles… bref, pour sauver notre écosystème, il faut mettre hors d’état de nuire les capitalistes et, pour ce faire, il faut que la majorité de la population prenne le pouvoir. Cela ne peut se faire dans le cadre républicain bourgeois taillé, de A à Z, pour les capitalistes.
Jadot paie sa participation à la manif des flics
Enfin, pour conclure, la mise en place d’une primaire amplifie le phénomène de présidentialisation, et donc de personnalisation, qui est un des plus grands problèmes de la gauche pour qui la solution doit être collective et non derrière un ou une bonNE présidentE. À ce titre, dans une logique de « présidentiabilité », la présence de Yannick Jadot, qui arrive en tête de la primaire, à la manifestation appelée par les syndicats policiers d’extrême-droite représente une faute politique qui créé, de fait, un cordon sanitaire avec celles et ceux qui subissent et/ou qui luttent contre les violences policières et l’immunité dont bénéficient les policiers violents. Aussi, la percée d’une personnalité comme Sandrine Rousseau, si elle ne doit donner aucune illusion, montre qu’une part importante des militantEs et sympathisantEs écologistes refusent le tournant droitier de Jadot. Et ça, c’est quand même une bonne nouvelle pour les luttes à venir.