Publié le Samedi 30 janvier 2010 à 23h01.

Sarkozy en campagne…

Le 25 janvier, sur TF1, Sarkozy a retrouvé son rôle préféré, celui du bonimenteur, pour tenter de vendre sa politique alors que commence la campagne des élections régionales. Démagogue, paternaliste, revêtant les habits usés du candidat de la « France qui se lève tôt », il a joué d’une fausse compassion, triste masque du cynisme et de l’arrogance d’une politique au service des classes privilégiées. Malgré la mise en scène taillée sur mesure pour la com’ du président et les banalités distillées par Jean-Pierre Pernaut, animateur du débat, la véritable situation et les difficultés du monde du travail se sont invitées sur TF1. Jean-Georges, retraité de 68 ans, doit vivre avec 410 euros par mois auxquels s’ajoutent 1 000 euros par trimestre. Il a dû reprendre un petit boulot, trois jours par semaine, pour s’en sortir. Marguerite Gauthier a 58 ans, son mari est au chômage : « Que faire pour l’emploi des plus de 55 ans ? » « Tous nos efforts sont mobilisés là-dessus. Mais il faut travailler plus, il faut que les magasins soient ouverts le dimanche », répond le bonimenteur ! À Bernadette, employée d’une grande surface, qui n’arrive pas à joindre les deux bouts, il demande son régime fiscal ! Pierre Le Menahes fustige « les grandes surfaces qui font aussi la misère des producteurs de lait » faisant écho à Sophie Poux, une productrice du Tarn, au salaire réel de « zéro euro », obligée d’emprunter pour « nourrir sa famille cette année ». Pierre Le Menahes est ouvrier dans l’automobile, syndiqué à la CGT. Il dénonce les délocalisations. « Monsieur, on peut avoir des désaccords mais convenez que le plan de soutien à l’automobile a protégé l’emploi », répond Sarkozy. « Non, ça n’a pas servi l’emploi, sinon ça se saurait. Et ça, c’est la France qui se lève tôt, Monsieur Sarkozy » lui répond Pierre pour enchaîner : « À aucun moment vous n’avez évoqué la situation des actionnaires qui, eux, au niveau des profits, c’est extravagant ». « Le problème des salaires, c’est que vous ayez de bons patrons. Je préfère un bon patron bien payé, qu’un mauvais patron mal payé » pontifie, creux, Sarkozy pour rajouter, démagogue : « La question des salaires est très importante parce qu’elle choque les gens. Vous savez ce qui me choque comme salaires, c’est les salaires mirobolants de certains footballeurs ou de certains sportifs » ! Ce qui ne l’empêche pas de justifier les 1,6 million d’euros annuels à EDF d’Henri Proglio… Martine Millet, infirmière dans un service d’urgence à Argenteuil depuis 20 ans, qui dénonce la « dégradation des conditions de travail [qui oblige] à soigner des gens dans les couloirs », n’aura d’autre réponse qu’une invitation à partir à la retraite cinq ans plus tard. Face à un enseignant qui évoque le manque de moyens accordés à l’école, Sarkozy provoque : « Il faut moins de fonctionnaires, mieux payés, moins précarisés ». En fait, moins de fonctionnaires, moins payés ! Et quand Rex Kazadi, infographiste à Villiers-le-Bel, interroge : « Que devient le plan Marshall des banlieues de Fadela Amara, qui devait tout changer en banlieue ? » Sarkozy tergiverse, noie le poisson, se dérobe pour broder autour de la création d’internats d’excellence… Toutes les ficelles éculées du discours officiel y passent, la « moralisation du capitalisme », les 35 heures qui ont été « catastrophiques », la démagogie anti-immigrés à propos des 123 Kurdes qui « seront raccompagnés chez eux » ou le débat sur l’identité nationale. « La France restera en Afghanistan parce que si on s’en va, on va laisser le pays aux talibans » affirme doctement Sarkozy. « Personne ne sera abandonné » Sur les retraites, prudent, il se veut consensuel. « Avant la fin de l’année, nous aurons pris les décisions qu’il faut. Il faut trouver des solutions (...). J’aimerais le consensus le plus large possible. La perspective d’un allongement des durées de cotisation est une perspective sur laquelle nous travaillons. » En imposant la question des retraites dans la campagne électorale des régionales, Sarkozy cherche à mettre le PS en difficulté pour poser comme défenseur de « l’intérêt » général. Il prend son temps pour mieux faire tomber son opposition parlementaire dans le piège de ses capitulations et les directions syndicales dans celui des reculs et concessions antérieures. Son objectif ? Les faire plier devant ses propres choix. Faux fuyants, phrases creuses, cynisme mais aussi mensonges évidents. « Dans les semaines et mois qui viennent, vous verrez reculer le chômage […] dès cette année » dit-il tout en sachant que toutes les grandes entreprises et les administrations ont planifié licenciements et réductions du personnel. « Personne ne sera abandonné » dit-il à propos du million de chômeurs qui vont arriver en fin de droit en 2010 alors que la majorité d’entre eux n’aura même pas droit au RSA. « La France n’a pas besoin d’assistanat » assène-t-il. Sauf le patronat, aurait-il dû ajouter. « Je ne peux pas dire oui à tout le monde », certes, et tout le monde avait compris que, pour dire oui au patronat et aux banques, Sarkozy disait non aux classes populaires. Nul besoin pour nous en convaincre de deux heures d’auto­satisfaction provocante. L’exaspération qui a réussi à s’exprimer dans le cadre artificiel du plateau de TF1 saura trouver les moyens de s’exprimer dans le vrai monde du travail et des luttes, y compris en utilisant les élections à venir. Yvan Lemaitre