Stéphanie Gibaud dirigeait le « marketing événementiel » d’UBS France (c’est-à-dire la filiale française de l’Union des banques suisses, la plus importante des banques helvétiques) entre 2000 et 2008. Son travail : inviter au tournoi de tennis de Roland-Garros, sur les parcours de golf, à l’opéra, dans des galas... les grandes fortunes françaises, les célébrités, les professions libérales, etc. En liaison avec des chargés d’affaires de la banque, français ou venus directement de Suisse, il s’agissait en fait de profiter de ces évènements pour faire miroiter les avantages d’un compte discret en Suisse.
En 2008, Stéphanie Gibaud en a eu assez de faire ce travail et, avec un autre collègue, a dévoilé les rouages du système. Elle a été non seulement licenciée mais traitée d’affabulatrice par la banque et les avocats de celle-ci. UBS avait mis au point une comptabilité secrète destinée à enregistrer des ouvertures de comptes non déclarés en Suisse. Les sommes en jeu sont évaluées entre 8,5 et 10,6 milliards d’euros.
L’enquête ouverte en 2011 a débouché sur un procès qui s’est ouvert le 8 octobre. Il est reproché à UBS d’avoir démarché illicitement des résidents fiscaux français de 2004 à 2011. Elle est aussi accusée de « blanchiment aggravé de fraude fiscale » pour avoir apporté « de manière habituelle » son concours à des opérations de dissimulation de fraudes à l’impôt sur le revenu, les sociétés ou la fortune, pendant la même période. Comme toujours, dans ce genre d’affaires, les avocats de la banque ont multiplié les manœuvres pour retarder la procédure et vont continuer durant le procès.
Si ce procès a lieu, c’est parce que la banque a finalement refusé un accord amiable avec le fisc français. Elle encourt une amende pouvant atteindre près de 5 milliards d’euros.
On va voir ce qui va finalement sortir de ce procès. Théoriquement, la Suisse a désormais levé son secret bancaire mais l’ingéniosité des fraudeurs et de ceux qui les conseillent est sans limite. Le texte sur la fraude fiscale qui vient d’être adopté par le Parlement ne mettra pas fin à cette hémorragie : le « secret des affaires » est une caractéristique génétique du capitalisme.
Henri Wilno