Selon le gouvernement, les salaires auraient augmenté en 2011. Mais mise en parallèle avec la hausse des prix et des profits, cette « augmentation » n’est que poudre aux yeux.Selon les statistiques du ministère du Travail, l’indice du salaire mensuel de base (SMB) du secteur privé a augmenté de 2,3 % sur un an entre la fin 2011 et la fin 2012. L’indice du salaire horaire de base ouvrier (SHBO) connaît la même progression. Ces évolutions doivent être mises au regard de l’inflation sur la période : les prix à la consommation (hors tabac) augmentent de 2,4 % entre décembre 2010 et décembre 2011. Ainsi, selon les chiffres officiels, le pouvoir d’achat des salaires baisse légèrement. Rien d’étonnant à ce que la consommation des ménages ait décéléré en 2011 (+0,3 % après +1,3 % en 2010, selon l’Insee). En 2011, les salaires (avec les allocations chômage et les retraites) ont donc continué d’être comprimés.L’Insee vient d’ailleurs de sortir une série de chiffres qui rappellent les réalités. Ces chiffres portent sur l’année 2009, dernière année pour laquelle sont disponibles des données exhaustives (mais, depuis cette date, les revenus des salariéEs n’ont pas connu une croissance impétueuse).
Pour les temps complets, les salaires médians nets des salariés des entreprises se sont établis en 2009 à 1 646 euros. Les salariéEs à temps partiels – aux trois quarts des femmes – touchent la plupart du temps beaucoup moins. Le salaire médian est celui au-dessous duquel se trouvent la moitié des salariés : il donne une meilleure idée de la réalité que le salaire moyen tiré par les hautes rémunérations. Imaginons par exemple, une économie où il y aurait quatre salariés : deux gagnent 1 200 euros par mois, un 1 500 et le dernier 6 100 euros. Le salaire médian est de 1 200 euros, trois salariés sur quatre gagnent moins de 1 500 euros, mais la moyenne (1 200+1 200+1 500+6 100 = 10 000 euros divisés par quatre), est de 2 500 euros. Les inégalités de salaires augmentent la moyenne mais sans, bien sûr, améliorer la situation du bas de l’échelle.
Autres chiffres significatifs publiés par l’Insee : - dans l’industrie, un ouvrier sur deux à temps complet gagne moins de 1 583 euros par mois ;- dans le commerce, une employée sur deux (ce sont en général des femmes) à temps complet gagne moins de 1 309 euros par mois. Et beaucoup de salariéEs à temps partiel gagnent moins !Dans la fonction publique, les salariéEs, surtout celles et ceux en bas de l’échelle, subissent les conséquences du gel de la valeur du point d’indice.Et bien entendu, perdurent les inégalités entre hommes et femmes : en 2009, une salariée à temps complet gagne en moyenne 19,9 % de moins que son homologue masculin. Cet écart baisse peu : il était de 21,4 % en 2001.Sarkozy, marchand d’illusionsLa question des salaires est donc une question centrale. Même Sarkozy fait semblant de s’en rendre compte. Il y avait déjà eu en avril 2011, l’annonce d’une prime de 1 000 euros liée aux dividendes des entreprises. Cette prime s’est dans la pratique rétrécie comme une peau de chagrin. Les 20 000 salariéEs de Sécuritas France se sont vus ainsi proposer 3,50 euros chacunE ! Le 22 février, le candidat-président vient de remettre ça avec une proposition permettant « à 7 millions de salariés » de gagner « un peu moins de 1 000 euros par an en plus ». Cette mesure, d’un coût de 4 milliards d’euros, correspondrait à une baisse des cotisations sociales salariales financée par un montage compliqué : réduction de la prime pour l’emploi (PPE) perçue par les salariéEs et augmentation de la fiscalité sur les dividendes.
Ce n’est qu’une nouvelle entourloupe. D’abord, 4 milliards divisés par 7 millions de salariés, ça fait 571,40 euros et pas 1 000. En plus, comme il y a perte de la PPE, le gain tomberait au mieux à environ 200 euros par an : un peu plus de 15 euros par mois (et beaucoup moins dans certains cas) ! Enfin, la baisse des cotisations salariales est un nouveau coup porté en douce à la Sécurité sociale. Moins grave que les dizaines de milliards de baisses des cotisations patronales, mais très dangereux sur le principe.Les gesticulations de Sarkozy, de même que celles de Marine Le Pen (qui annonce 200 euros de plus pour les bas salaires) montrent l’acuité de la question de salaires alors que les dividendes se maintiennent à un niveau élevé : les profits distribués par les entreprises françaises à leurs actionnaires représentent (en net, pour tenir compte des dividendes qu’elles se versent entre elles) plus de 12 % de la masse salariale en 2009, contre 4 % au début des années 1980. Voilà de quoi financer les indispensables hausses de salaires !
Henri Wilno