Fin 2019, le gouvernement avait annoncé vouloir restreindre l’obtention de l’Aide médicale d’État (AME) pour les sans-papiers et de la Protection universelle maladie (PUMa) pour les demandeurEs d’asile. Cela au nom d’une lutte contre un prétendu « tourisme médical » en prétextant un abus — fantasmé — sur les poses de prothèses mammaires. Un décret du 30 octobre 2020, publié au Journal officiel en plein 2e confinement, précise les durcissements prévus sur l’AME et le rabotage des droits à la prise en charge des frais de santé à l’expiration d’un titre de séjour.
Ces mesures, en cette période épidémique, sont particulièrement inquiétantes car les migrantEs vivant dans des campements de fortune, dans des squats, à la rue ou dans des centres d’hébergement d’urgence présentent une sur-contamination Covid. La politique de santé publique est aux abonnés absents.
Attaque contre les sans papiers
L’obtention de l’AME relevait déjà du parcours du combattant tant il était complexe de réunir les pièces du dossier, surtout sans parler le français. L’aide et le recours à des associations ou à des services sociaux étaient, la plupart du temps, nécessaire.
Mais le décret impose maintenant :
– un dépôt physique : pour la première demande, les demandeurs doivent déposer leur dossier en personne à la sécu. Cette disposition va entraîner un renoncement de la démarche pour certainEs et aura des conséquences majeures pour les associations, les centres de santé, les pass de ville qui ne pourront plus déposer directement les demandes des personnes qu’elles suivent ;
– une exclusion, durant les neuf premiers mois, à compter de la 1re admission à l’AME, de la prise en charge de certaines pathologies ou de soins « ne revêtant pas un caractère urgent ». La liste des soins refusés pose problème. Ainsi par exemple les prothèses du genou, des hanches ou les interventions sur le fémur sont exclues sauf traumatismes récents.
Or les migrantEs au cours de leur trajet migratoire sont souvent victimes d’accidents ou de violence nécessitant à leur arrivée en France ce genre d’interventions. Une contestation par le médecin prescripteur est possible mais implique une demande d’entente préalable au service de contrôle médical de la caisse de Sécu, complexifiant ou dissuadant le recours ;
– une condition d’ancienneté de trois mois de séjour en situation irrégulière et non plus d’une ancienneté de séjour simple ! Comment les caisses vont pouvoir vérifier le caractère irrégulier du séjour ? Quelles preuves d’irrégularité vont être réclamées ? Mystère !
Attaque contre les migrantEs en situation régulière
Le décret supprime le maintien des droits à la Sécu deux mois après la réception « d’une mesure administrative d’éloignement devenue définitive » (l’OQTF ou obligation de quitter le territoire). Il précise en outre la réduction du maintien des droits après expiration du titre de séjour, de un an à six mois.
En pratique, ce sont près de 800 000 personnes étrangères, en situation régulière, détentrices de titres de séjour renouvelés chaque année qui seront impactées. Ces personnes disposaient auparavant d’un délai pour produire leur titre de séjour à la caisse d’assurance maladie. Ce délai de prolongation des droits permettait avant tout de pallier les carences des préfectures qui ne délivrent pas à temps les documents pourtant prévus par la réglementation. Pour les personnes visées par cette mesure cela signifie des démarches répétées et épuisantes.
Ces durcissements, applicables depuis le 15 novembre, représentent un non-sens du point de vue sanitaire, avec à la clé des renoncements aux soins et des dégradations de l’état de santé des personnes déjà particulièrement vulnérables du fait des conditions de vie indignes qui leurs sont imposées.
Ces restrictions sont avant tout dictées par une politique migratoire de plus en plus répressive sur le territoire et aux frontières.
Contrer ces attaques c’est se mobiliser pour la régularisation des sans-papiers, et une même couverture pour touTEs avec remboursement à 100 % par la sécurité sociale.