Myriam El Khomri, madame « loi travail », vient de remettre à Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, un rapport sur « les métiers du grand âge ». Si le sujet n’était pas aussi grave, ce rapport prêterait à rire tant le décalage est grand entre les ambitions affichées (une « mobilisation générale » pour ces métiers) et les 59 propositions qu’il contient.
La situation dramatique des salariés des EHPAD (essentiellement des femmes) a été mise en lumière par les luttes et les journées d’action dans ces établissements en 2018. Plus « invisible » reste le secteur de l’aide à domicile, où règnent, encore davantage le manque de formation, la précarité généralisée, les bas salaires, les cadences et les conditions de travail pénibles générant la maltraitance. La vie quotidienne des aides à domicile de ce côté de la Manche n’a guère à envier à celle que décrit Ken Loach dans Sorry We Missed You.
Aucune réponse à la hauteur
Dans aucun des domaines qu’il prétend traiter (formation, recrutement, salaires), le rapport El Khomri ne donne de réponse à la hauteur des enjeux. Alors que les besoins ne cessent d’augmenter, du fait de la progression du nombre de personnes âgées dépendantes dans les années à venir, le secteur peine à recruter. Le nombre d’inscritEs au concours d’aide-soignantE a diminué d’un quart en six ans. Le rapport prétend apporter une solution en supprimant le concours d’entrée, présenté comme dissuasif et en le remplaçant par une inscription à Parcoursup dont la complexité et les bugs ne sont plus à démontrer. Il préconise un recrutement massif via la formation en alternance et la validation des acquis de l’expérience, un filon qui a immédiatement enthousiasmé les employeurs du secteur privé, trop heureux de trouver là une main-d’œuvre à bon marché qu’ils exploiteront, en prétendant la « former ».
La véritable raison du manque d’attrait pour ces métiers sont les conditions de travail, la précarité de l’emploi et les bas salaires, mais dans ces domaines le rapport n’apporte aucune piste sérieuse.
220 000 embauches nécessaires
Pour les seuls EHPAD, le taux d’encadrement d’unE salariéE pour unE résidentE, jugé indispensable à un travail satisfaisant, non maltraitant, nécessiterait 220 000 embauches à temps plein. Le rapport préconise la création de 93 000 postes en quatre ans pour l’ensemble de la filière. Pour 2020 le besoin est estimé à 18 500.
Quant aux rémunérations, le rapport prévoit seulement de remettre à niveau dans les conventions collectives, au 1er janvier 2021, les rémunérations inférieures au SMIC !
Mais si timides soient les préconisations du rapport, son financement, estimé à 825 millions d’euros, apparait des plus improbables. Ainsi, le gouvernement a imposé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vient d’être voté, la limitation des créations de postes en EHPAD à 5 200…
L’ampleur et l’urgence des besoins permettant de donner aux anciens une fin de vie digne se heurte aux exigences, déterminantes pour ce pouvoir, de la réduction des coûts de la protection sociale. Ce niéme rapport n’est qu’un « coup de com » destiné à masquer cette réalité.
Jean-Claude Delavigne