À travers le débat sur le budget et la réforme fiscale annoncée par Sarkozy, c’est de la gestion des affaires des classes possédantes que discutent gouvernement et parlementaires. «Après une décennie d’insouciance budgétaire, il n’est plus l’heure de rêver à un rétablissement spontané des finances publiques par le miracle de la croissance économique. » C’est ainsi que le député UMP Gilles Carrez, rapporteur du projet, introduisait il y a un mois la présentation du budget 2011, voté la semaine dernière par les députés et actuellement examiné par le Sénat. L’objectif officiel en est de faire passer le déficit de l’État de 152 milliards d’euros en 2010 à 92 milliards en 2011. Mais à l’exception de quelques réductions d’avantages pour les plus riches, comme l’augmentation du taux d’imposition de la tranche la plus haute de revenus de 40 à 41 % ou la diminution de 75 à 50 % du taux de réduction de l’impôt sur la fortune (ISF) pour les sommes investies dans les PME, c’est sur les couches populaires que le gouvernement fait peser les sacrifices pour réduire les déficits. Outre les suppressions de postes dans la fonction publique, plus de 30 000, la réduction du nombre de contrats aidés, pour ce qui est du volet dépenses, le gouvernement a prévu l’augmentation de la redevance télé, à 123 euros, la hausse de la TVA, à 19,6 %, sur les forfaits internet-télévision-téléphone, la suppression de l’avantage fiscal constitué par la possibilité de faire trois déclarations l’année du mariage, pacs ou divorce... Quant aux niches fiscales, le « coup de rabot » promis pèsera essentiellement sur des couches sociales qui ne font pas partie des plus riches. C’est le cas, par exemple, de la suppression du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts immobiliers, une des mesures phares de Sarkozy censée aider les plus défavorisés à acheter un logement. Qui plus est, libérés de la pression de la mobilisation, Sarkozy et ses ministres veulent pousser l’avantage pour annoncer une réforme fiscale qui devrait être discutée en juin prochain. Ils entendent entre autres supprimer l’ISF en même temps que le bouclier fiscal, sous couvert de convergence avec la fiscalité allemande et parce que le bouclier fiscal n’aurait été inventé que pour pallier les inconvénients de l’ISF. Or celui-ci rapporte à l’État 4 milliards d’euros quand le bouclier fiscal, devenu en outre trop impopulaire, lui fait débourser 600 millions. Le Medef en embuscadeÀ l’Assemblée, les débats ont été houleux entre le gouvernement et les parlementaires de la majorité lors de la discussion de certains articles du budget qui égratignent plus ou moins le patronat. Et le Medef lui-même s’est insurgé contre la disparition d’un dispositif favorable « aux jeunes entreprises innovantes », tant les classes dirigeantes ont l’habitude de défendre bec et ongles leurs intérêts et leurs privilèges. Mais la question essentielle n’a pas été abordée : d’où vient le déficit colossal de l’État, à 152 milliards aujourd’hui alors qu’il était de 56 milliards d’euros en 2008, avant les plans de renflouement des banques et des multinationales au nom de la relance ? Pas un mot sur les montants faramineux des cadeaux de l’État aux plus privilégiés. Si ce n’est justement par… le Medef qui a annoncé la publication dans les jours qui viennent d’un contre-rapport au rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (qui fait partie de la Cour des comptes), lequel a révélé récemment que 172 milliards d’euros d’exemptions d’impôts ou de cotisations sociales sont offerts actuellement aux entreprises à travers plusieurs centaines de niches fiscales. L’affaire Woerth-Bettencourt et la mobilisation sur les retraites avaient mis au premier plan de l’actualité la répartition scandaleuse des richesses. Soucieux de masquer leur racket des finances publiques, les classes possédantes ne supportent pas le moindre contrôle sur les comptes de l’État qui les sert si généreusement. C’est leur intérêt. Le nôtre, celui de toute la population, c’est au contraire imposer notre contrôle sur les comptes des grandes entreprises et de l’État.Galia Trépère