Après la date limite du 19 juin 2013, il sera plus difficile pour les acteurs publics locaux (collectivités locales, hôpitaux publics, offices de HLM,…) d’engager des actions en justice contre les banques leur ayant fait signer des contrats d’emprunts toxiques.De quoi s’agit-il ? D’« escroqueries en bande organisée » selon l’expression employée en juin 2011 par des éluEs locaux lors de l’audition par la commission de l’Assemblée nationale. Ils parlaient des prêts toxiques proposés, si ce n’est imposés, par les banques aux acteurs publics locaux depuis le milieu des années 90 et l’explosion du capitalisme financiarisé. Pour en savoir plus, pour en comprendre les mécanismes pervers, et pour proposer des solutions, notamment lors de la prochaine campagne municipale, il faut lire d’urgence le livre de Patrick Saurin : Les prêts toxiques : une affaire d’État 1.
Des taux qui explosentLe baratin des banques aux responsables financiers des collectivités locales était le suivant : vous avez souscrit jusqu’à ce jour des emprunts à taux fixe ou à taux révisable classiques, mais on va vous faire profiter des nouveaux instruments financiers, les emprunts « structurés ». Il s’agit d’emprunts dont les taux évoluent en fonction d’indices spéculatifs dont les éventuelles conséquences sont soigneusement occultées…Pour décider l’emprunteur, les banques proposent une première période de 3 à 5 ans avec un taux bonifié, mais dont la contrepartie est un risque très important pour la période qui suit, souvent supérieure à 20 ans. Deux exemples précis sont donnés en annexe du livre. La ville de Nice a souscrit un emprunt à 15 ans au taux initial de 3,99 %, transformé en emprunt structuré indexé sur le taux de change du franc suisse, ce qui donne en août 2012 un taux de 15,5 %. La ville de Saint-Germain-en-Laye a converti un emprunt à 30 ans à 5,1 % en emprunt structuré, également indexé sur le taux de change du franc suisse (mais avec une formule plus avantageuse pour la banque) qui aboutit à un taux de 38,39 % ! La malhonnêteté apparaît même clairement chez Dexia qui intitule TOFIX un type de prêt à taux variable… Et quand les collectivités s’aperçoivent de leur erreur et veulent sortir de ces emprunts structurés, elles se retrouvent bloquées par des pénalités de sortie parfois supérieures au capital restant dû.
Les banques en profitentSe pose alors la question de la responsabilité des différents acteurs, dont les titres des six paragraphes donnent le contenu. Les éluEs : entre crédulité, incompétence et turpitude. Le trésorier-payeur général : démuni. Le préfet : pas informé. La chambre régionale des comptes : en difficulté. L’État et ses services : aux abonnés absents. Les banques : à la manœuvre. Surtout les banques. Et pas seulement Dexia, en principe « la » banque des collectivités locales, et le précurseur dans ces emprunts structurés, mais aussi toutes les autres : le Crédit agricole, le Crédit lyonnais, les caisses d‘épargne, et même des banques étrangères : JP Morgan ou Royal Bank of Scotland.Et pour s’en prendre aux banques, on ne peut pas compter sur ce gouvernement, comme on vient de le voir avec la récente loi de séparation des activités bancaires qui n'isole que 1 % d'activités spéculatives, ou avec le récent rapport de l'Inspection générale des finances sur les emprunts toxiques qui exonère largement les banques de leur responsabilité.
Alors que faire ?Dans l'immédiat, les citoyenNEs peuvent demander aux éluEs et responsables qu’ils fassent toute la lumière sur la situation de la collectivité publique dont ils ont la responsabilité. En cas de refus de leur part, ils peuvent saisir la CADA (Commission d'accès aux documents administratifs) en fonction d’une disposition qui autorise à tout citoyenNE l'accès aux documents financiers des collectivités.Ils peuvent également agir collectivement et participer au CAC (Collectif pour un audit citoyen de la dette publique) en utilisant deux annexes pratiques détaillées du livre. Comment auditer sa collectivité ? Comment auditer son hôpital public ? Quelques actions en justice ont déjà abouti à des décisions favorables aux collectivités.Aujourd’hui, on peut faire ce constat sans appel : toutes les banques ont commercialisé des emprunts toxiques, se sont livrées à la spéculation, et ont favorisé la fraude fiscale, notamment à travers les paradis fiscaux. Pour mettre un terme à ces pratiques, il faut revendiquer dès maintenant la socialisation de l'ensemble du secteur financier.
Jacques Cherbourg1. Éditions Demopolis, mai 2013, 268 pages, 15 euros. Patrick Saurin est membre de l’exécutif national de SUD BPCE, du CADTM et du CAC.