Publié le Samedi 1 octobre 2011 à 11h49.

Collectivités publiques, les banques au banc des accusés

Quelle que soit leur couleur politique, un grand nombre de collectivités publiques se sont laissé séduire par les sirènes du profit. Les pertes auxquelles elles doivent faire face aujourd’hui risquent fort d’être supportées par les populations.

Aujourd’hui, de nombreuses collectivités publiques connaissent une crise financière sans précédent en raison de l’augmentation brutale des échéances de certains de leurs prêts. Une telle situation ne doit rien au hasard, elle résulte au contraire d’un système imaginé par les banques. Traditionnellement, pour financer leurs investissements, les collectivités souscrivaient des prêts à taux fixe ou à taux révisable et maîtrisaient dans l’ensemble la charge financière de ces emprunts. Or, il y a une quinzaine d’années, dans le seul but de majorer leurs marges déjà conséquentes, les banques, Dexia en tête, ont conçu pour les collectivités de nouveaux emprunts appelés « produits structurés ». Construits sur des montages complexes et peu lisibles, ces prêts offraient au départ des taux alléchants mais cela n’a pas duré. Par exemple, le prêt Helvetix, commercialisé par les Caisses d’épargne il y a quelques années à un taux voisin de 3,50 %, est passé au-dessus de 15 % ces jours-ci en raison de la flambée du franc suisse, sur lequel est indexé le taux du prêt. La triste réalité des « produits toxiques »Ces « produits structurés » présentés par les banquiers comme des instruments performants de gestion active de la dette se révèlent aujourd’hui sous leur vrai jour : des produits extrêmement dangereux dont le risque est supporté par les collectivités locales, et à travers elle la population. Mais à ce premier scandale s’en ajoute un second. Lorsqu’une collectivité se trouve en difficulté pour faire face à ses échéances, la banque vient à son secours avec un nouveau dispositif providentiel : la « gestion de dette » (G2D pour les initiés). La recette est simple : la banque réaménage une grosse partie des prêts de la collectivité en allongeant leur durée. Certes, cela permet de diminuer l’annuité due par la collectivité. Mais cela coûtera plus cher à terme car les contribuables devront payer des annuités supplémentaires sans que cette charge ne se traduise par de nouveaux investissements. Repousser les problèmes dans le temps est une des activités de prédilection des banques. Elles n’ont pas hésité à transformer les collectivités publiques en un gigantesque casino où elles gagnent à tous les coups. Les raisons de ce scandaleÀ la malhonnêteté des banques s’ajoute cependant l’inconséquence des élus et l’incurie des pouvoirs publics. Des élus de toutes couleurs politiques (UMP, Centre, Verts, PS et PCF), se targuant pourtant de « savoir gérer », ont succombé aux sirènes des prêts toxiques. Aucun avertissement n’a été pris en compte. Le 16 juillet 2008, trois analystes de Fitch Ratings mettaient les collectivités en garde contre les risques des crédits structurés1. Rappelant les pertes enregistrées par des collectivités étrangères (en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis) avec ce type de produits, ces analystes soulignaient le risque inhérent à ces crédits et attiraient l’attention sur leur nature trop complexe.    Les pouvoirs publics n’ont pas voulu encadrer ces nouveaux produits qui contreviennent à deux principes fondamentaux de la comptabilité publique : le principe de prudence et le principe de spécialisation des exercices. La spéculation, notamment sur les monnaies, n’a rien à voir avec ces deux principes. Les collectivités publiques sont censées se préoccuper de l’intérêt général. L’urgence du momentIl est plus que temps de mettre les banques hors d’état de nuire en les plaçant sous le contrôle des peuples. Mais attention au risque de « vraies-fausses nationalisations »2. Dexia a déjà été renflouée en 2008 mais ces trois dernières années elle a dû vendre 80 milliards d’actifs et s’apprête à céder 20 milliard supplémentaires. Une nationalisation ne doit pas être le prétexte à une nouvelle socialisation des pertes. Elle doit consister à prendre le contrôle démocratique du secteur bancaire, pas à le subventionner aux frais du contribuable. 

Patrick Saurin1. Fitch Ratings, La dette structurée des collectivités locales : gestion active ou spéculation ?2. Vers de vraies-fausses nationalisations, Mediapart, 22 septembre 2011.