On peut dire que la Cour des comptes et le gouvernement sont synchros : à quelques heures d’intervalle la semaine dernière, la première rendait son rapport annuel au ton de réquisitoire contre la gestion des collectivités locales… tandis que le gouvernement annonçait une amputation sévère des dotations de l’État à ces mêmes collectivités. Derrière ces prétendues révélations des uns et les appels à la solidarité nationale des autres, la continuité d’une même politique : faire payer les populations en amputant les budgets locaux.De la propagande pour préparer l’opinion…Mardi 12 février, la Cour des comptes ouvrait le bal avec son rapport dont l’axe est on ne peut plus clair : la « nécessité de faire porter l'intégralité de l'effort de redressement jusqu'au retour à l'équilibre sur la seule maîtrise des dépenses ». Fini le cinéma de faire payer les riches et la finance… Il faut trancher dans le vif et, pour cela, le rapport désigne pêle-mêle l’État, la Sécurité sociale, les agences nationales telles que Pôle emploi, France Télévisions, Météo-France et… les collectivités locales.Si on en croit les chiffres de la Cour des comptes, entre 2004 et 2010, les dépenses des communes, départements et régions seraient passées de 36,64 à 51,74 milliards d'euros. Insupportable pour la Cour des comptes dont la mission est de « s'assurer du bon emploi de l'argent public et d'en informer les citoyens » ! Dommage qu’elle n’ait, par contre, pas jugé utile de chiffrer les besoins non satisfaits des populations… alors même que l’État, au cours des différentes phases de la décentralisation, a reporté sur les collectivités locales et leur budget nombre de ses anciennes compétences.Les dépenses que vise le plus clairement le rapport sont les dépenses de personnel. Un journaliste en profite même pour se lâcher sur le site de France 3 : « Les collectivités territoriales ont la folie de l'embauche » ! Cette campagne outrancière (comme celle qui l’accompagne contre les salariéEs d’EDF aux prétendus salaires et avantages exorbitants) ne fait que prolonger celle du précédent gouvernement. Il y a à peine un an, Sarkozy expliquait à propos des effectifs territoriaux : « Je souhaite que les collectivités fassent cet effort volontairement. Sinon, il faudra trouver les moyens pour que les dotations de l'État soient modulées en fonction de leur politique de maîtrise des dépenses »… Au même moment, en pleine campagne, le candidat Hollande promettait : « un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel »… Fin septembre, retour aux choses sérieuses, Ayrault annonçait son intention de diminuer les dotations de 750 millions d’euros en 2014 et 2015.… aux coupes clairesCe 12 février, se tenait aussi le Comité des finances locales où se retrouvent élus locaux et représentants de l’État. Cette année, les ministres du budget, de la réforme de l'État et de la décentralisation s’y sont invités… pour y annoncer une baisse des dotations deux fois plus importante que prévu : 1,5 milliard d’euros en moins en 2014 et autant en 2015. Une amputation majeure quand on y ajoute l’inflation mais aussi la hausse (estimée à 2 milliards d’euros par an) des charges qui pèsent sur les collectivités du fait de la réforme des rythmes scolaires, de la hausse de la TVA et des cotisations retraite. Les milliards non versés aux collectivités locales financeront une partie du « crédit d’impôt compétitivité » offert aux entreprises.Combien de communes, de départements, déjà pris à la gorge par les banques et la dette, ne pourront boucler leur budget et faire face aux dépenses courantes ? Des millions de personnes vont être touchées, dont le quotidien dépend des budgets des collectivités locales (aides sociales multiples, éducation, services publics, etc.), sans compter les salariés territoriaux, en première ligne.Des conséquences que nombre de maires, toutes couleurs confondues, vont essayer de masquer le plus longtemps possible pour éviter d’être trop impopulaires avant les municipales de 2014… mais qui n’en seront que plus brutales ensuite.Isabelle Ufferte
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Faujour