Le 24 octobre, Paula, une factrice de 44 ans travaillant au centre courrier de Sarlat (Dordogne), mettait fin à ses jours à son domicile.
Le médecin de Paula, constatant son état de fragilité psychologique – elle était en arrêt maladie depuis trois mois –, lui avait conseillé de ne pas rester seule chez elle, et elle vivait donc chez ses parents. C’est parce que sa hiérarchie l’avait prévenue par sms qu’elle allait subir un nouveau contrôle médical qu’elle était retournée à son domicile. Un contrôle de plus, un contrôle de trop pour Paula qui avait fait état, auprès de plusieurs de ses collègues, de la profonde anxiété que ces contrôles généraient.
Harcèlement symptomatique
Un harcèlement procédurier tout à fait symptomatique de la politique managériale de la direction locale. Le même jour Christophe, facteur à Siorac (qui dépend du même établissement), était extirpé manu militari de sa voiture et plaqué violemment au sol par le directeur et deux autres cadres. Ces trois Benalla de La Poste n’ont pas supporté qu’il refuse de se voir notifier sa mise à pied conservatoire. Cette dernière faisant suite à une altercation avec un des cadres, qui fliquait les cadences de tri des factrices et des facteurs, en ne cessant de jouer la provocation. Les postierEs connaissaient les interventions des flics dans les centres, maintenant des cadres se prennent carrément pour la BAC.
Droit de retrait collectif
Confrontés depuis des années à ces méthodes, qui s’ajoutent aux réorganisations incessantes, les collègues de Paula et Christophe ont décidé de réagir en faisant usage de leur droit de retrait. Par ce moyen, ils et elles signifient que leur hiérarchie les met quotidiennement en situation de danger grave. Leur action, soutenue localement par l’intersyndicale Sud-CGT-FO-CFDT, ainsi que l’intervention de Sud PTT auprès du siège de La Poste, ont conduit à la mise à l’écart des trois cadres, ainsi qu’à la suspension de la procédure disciplinaire contre Christophe, pendant la durée des enquêtes du CHSCT sur ces deux événements. Une première victoire. Un rassemblement, qui a réuni 400 personnes, a eu lieu le 5 novembre à Sarlat, avec la présence d’usagerEs et d’éluEs. Le lendemain, les postierEs obtenaient l’engagement écrit, de la part des apprentis barbouzes eux-mêmes, qu’is ne remettraient pas les pieds à Sarlat et à Siorac.
Responsabilité des hauts dirigeants
La réaction collective, entre collègues d’une part, en s’adressant à la population d’autre part, c’est bien la marche à suivre face à des directions qui sont prêtes à imposer leurs restructurations, quel qu’en soit le prix. Certes, les trois cadres de Sarlat et Siorac se distinguent par leur zèle dans le mépris et leur absence de scrupules. Mais la responsabilité des hauts dirigeants de La Poste est incontestable. Les suppressions d’emplois, la casse des métiers et des collectifs de travail, le bourrage de crâne sur l’absolue nécessité de la stratégie mise en place, tout cela vient du siège. Pas étonnant que certains, dans ces conditions, se croient autorisés à se comporter comme des salauds.
En 2012 et en 2016, plusieurs cas de suicides mettaient La Poste en difficulté sur le front médiatique. Elle ne s’est jamais départie de son attitude consistant à mettre en place des écrans de fumée tout en accélérant sa politique. Si les modalités sont différentes, cela fait évidemment penser à France Télécom, dont l’ancien PDG, Didier Lombard, est renvoyé en correctionnelle, en compagnie de six autres cadres. Le plan « Next » qui avait été mis en place avait suivi de peu la fin de l’actionnariat majoritaire de l’État… Précisément ce qui a été décidé pour La Poste.
Édouard Gautier