Nous vivons dans une société validiste, où perdre des capacités équivaut à une perte de statut social. Le validisme fait sentir à touTEs les handicapéEs qu’iels sont un poids pour leurs proches, pour la société. Il est intimement lié au productivisme capitaliste et empirera à mesure de la fascisation. Nous en voyons déjà les signes.
Dans ces conditions, nous pensons que la loi instaurant le droit au suicide assisté et à l’euthanasie créera mécaniquement une pression sociale sur la population handicapée, à choisir la mort plutôt qu’une vie indigne. Mais pas indigne par essence, indigne parce qu’on n’a pas donné les moyens d’une vie digne. Une étude1 montre que la douleur n’est pas la raison principale des demandes de mort assistée, mais ce sont bien des formes de dépression qui suscitent le plus de demandes2. Doit-on abandonner toute lutte contre le suicide ?
Le droit à une vie digne
Les débats autour de cette loi réveillent quelque chose d’intime en chacunE de nous. C’est valable pour les valides à qui la maladie, la perte de capacité et les douleurs font peur. Mais c’est valable aussi pour quantité de personnes handies, heurtées par des débats où nous sommes concernéEs mais absentEs, où quantité de gens expriment à voix haute cette opinion : « Si j’étais à ta place, je me buterais ». Nos conditions de vie sont considérées « indignes de la vie », littéralement le « lebensunwertes Leben » des nazis qui nous donnèrent la « Gnadentod », la mort miséricordieuse, lors de l’Aktion T4.
Nous connaissons la douleur. Nous connaissons la perte de moyens. Et pourtant, nous réclamons les droits d’une vie digne, pas ceux de mourir.
Nécropolitique de la santé
Le texte de cette loi affiche s’assurer de la capacité à un choix libre et éclairé. Nous affirmons que dans une France où seulement 50 % des personnes qui en ont besoin bénéficient des soins palliatifs (qui réduisent drastiquement les demandes de suicide assisté), une France où les inégalités sociales impactent l’accès aux soins, le choix libre ne peut exister. Être unE handicapéE de la classe prolétaire, c’est n’avoir même pas son travail à engager dans le rapport de forces. Le montant de l’AAH (allocation adulte handicapée) est toujours sous le seuil de pauvreté et on parle déjà de « serrer la vis » sur les ALD (affection longue durée).
Nous avons des exemples à l’étranger (Canada, Belgique) de pays avec des lois qui ont commencé de façon restrictive pour peu à peu s’étendre aux cas de maladie psy, à des maladies qui n’engagent pas le pronostic vital. Nous n’avons aucune illusion sur le caractère humaniste de l’engagement d’une bonne partie de la droite pour ce texte : c’est la nécropolitique de la santé. On décide quel suicide est bon, ou ne l’est pas, sur des critères médicaux (et in fine économiques).
Nous ne voulons pas vivre dans un pays où on nous dit : « Le délai de traitement des dossiers MDPH (maison départementale des personnes handicapées) est de 9 mois. Par contre si vous voulez mourir, j’ai un créneau jeudi ! »
Commission Antivalidisme