Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement, l’a annoncé le 11 mars à la sortie du Conseil des ministres : « La privatisation ne saurait se poser… compte-tenu des conditions actuelles du marché ».
Évidemment, avec la pandémie de COVID19, les cours de la Bourse plongent et les analystes prédisent une perte de chiffre d’affaires allant de 63 à 113 milliards de dollars pour le secteur du transport aérien dans le monde (son chiffre d’affaires était de 838 milliards en 2019).
D’ailleurs, l’action ADP – qui était montée de 88 euros en 2016 jusqu’à plus de 170 depuis 2 ans – vient de s’écrouler à moins de 100 euros depuis début mars. D’où une perte sèche d’ores et déjà supérieure à 4 milliards d’euros de la valeur boursière des actions de l’État. Très mauvaise opération en cas de vente dans les semaines ou les mois à venir. Dans tous les cas, désormais, d’après les dirigeants d’ADP, la prochaine date possible ne serait que début 2021 après la clôture des comptes.
Mais, même avant le coronavirus, le gouvernement ne semblait pas pressé de lancer le processus de privatisation. Xavier Huillard, le PDG de Vinci, principal prétendant au rachat d’ADP, déclarait, début janvier, que la privatisation n’était à l’ordre du jour ni pour Vinci ni pour Bercy.
Un rapport de force significatif
La campagne de recueil des signatures pour obtenir un référendum n’aura pas permis de bloquer la privatisation mais, avec plus de 1,1 million de personnes ayant réussi à déposer leur formulaire sur le site officiel, la sanction est sans appel : il y a un profond rejet populaire de cette privatisation. Et clairement, Macron ne veut pas provoquer un nouveau motif de colère sociale alors que sa contre-réforme des retraites est toujours contestée par une majorité de la population.
Car ne pas avoir atteint l’objectif de 4,7 millions de signatures n’est en rien le signe d’une adhésion populaire à la privatisation. Tout d’abord, le dépôt de sa signature en elle-même était déjà un exercice compliqué, semé d’embûches. Mais aussi, tout a été fait par le gouvernement pour étouffer depuis mai 2019 le débat public sur la privatisation d’ADP.
Un gouvernement en difficulté politique
Le gouvernement, qui se gausse des débats démocratiques, préférant des mises en scène autocratiques de Macron, a tout fait pour censurer toute confrontation sur cette question. Loin de vouloir convaincre, il a fait de la question d’ADP un non-sujet, alors que les écrans publicitaires des médias étaient saturés de clips vantant la privatisation de la Française des Jeux. Aucun débat parlementaire, qui aurait pu avoir un fort écho médiatique, mais pas plus de débat ou même d’enquête, de reportage, dans le riche réseau des chaînes d’informations, toutes dévouées au néolibéralisme capitaliste. Sur ADP, loin d’être bavard, il fallait être muet, rien qui puisse catalyser les 70% de la population apparaissant opposée à la privatisation dans tous les sondages. Rien non plus pour se faire l’écho de la possibilité hautement subversive de réclamer un référendum sur la question. Souvenons-nous que pour Bruno Lemaire, de tels gestes font « le jeu des populismes et affaiblissent la démocratie représentative ».
Dès lors, la mobilisation pour le référendum ne pouvait dépendre que de l’énergie de militantEs, les mêmes qui sont plongéEs depuis 5 mois dans la bataille pour défendre le système des retraites.
Désormais, la loi PACTE peut s’appliquer dans sa totalité, avec la possibilité pour l’État de vendre ses participations dans ADP, mais l’opposition politique demeure et sur cette question aussi, le gouvernement est minoritaire.