« Jean-Pierre Raffarin avait inventé la journée de solidarité active, le lundi de Pentecôte » ; « on pourrait imaginer avoir deux lundis de Pentecôte travaillés » : telle est l’une des solutions avancées, le 12 avril sur BFM-TV, par Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, pour financer la « dépendance ». Elle a été reprise dans son interview par Emmanuel Macron dimanche soir. L’autre voie serait les assurances privées obligatoires, préconisées jadis par Sarkozy. Le « nouveau monde » voulu par Macron, ressemble décidément fort à « l’ancien ». Il ne fait guère qu’en réchauffer les vieilles recettes libérales, en les aggravant.
La mobilisation des personnels des EHPAD, des résidentEs et de leurs familles n’a pas seulement soulevé la question du manque de moyens de ces établissements, et de la maltraitance institutionnelle qu’elle entraîne. Elle a interpellé avec force le gouvernement sur la place que la société entend donner à ses aînéEs, pour leur permettre de vivre décemment la dernière partie de leur vie, même quand ils perdent tout ou partie de leur autonomie. Les solutions doivent-elles être individuelles, chacunE étant « responsable » de sa situation ? Ou solidaires, la société apportant collectivement des réponses dignes et humaines pour chacunE de ses membres ?
Manque criant de personnelFace à la mobilisation des EHPAD et à sa popularité, il est devenu impossible, pour le gouvernement, de réduire encore les dépenses consacrées à la perte d’autonomie. Le nombre de personnes concernées ne cesse d’augmenter. Le manque de personnel dans les établissements est désormais visible par touTEs.Mais, « en même temps », la réduction massive de la dépense publique, la baisse des cotisations sociales pour les employeurs, sont des objectifs centraux de la politique gouvernementale. Il n’est donc pas question d’accroître la part des financements socialisés des EHPAD, que ce soit le « forfait de soins », financé par la Sécurité sociale, ou l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) payée par les départements. Quant à la part à la charge des résidents en EHPAD ou de leur famille, elle atteint des niveaux déjà insoutenables (souvent plus de 2000 euros par mois, et parfois beaucoup plus) alors que la retraite moyenne est de 1376 euros , et seulement de 993 euros pour les femmes (les plus nombreuses en EHPAD) et que le minimum vieillesse est de 803 euros.
Travail gratuitC’est donc aux vieilles recettes de ses prédécesseurs, pour faire payer les salariéEs individuellement et collectivement que le gouvernement s’apprête à avoir recours. Les décisions doivent être annoncées fin 2018.Malgré le tollé qu’avait suscité l’instauration, en 2003, d’une journée de travail gratuit, forme moderne de la « corvée » du moyen âge imposée aux salariéEs, la ministre de la Santé envisage sans honte d’en créer une seconde ! Elle étudie aussi la piste des assurances privées même si elle ne se déclare « pas trop favorable au modèle assurantiel ». Mutuelles et assurances privées sont déjà sur la ligne de départ, pour l’ouverture de ce nouveau marché lucratif.Au rythme où vont les choses en Macronie, cela pourrait bien être la double peine pour les salariéEs, c’est à dire journée de travail gratuit obligatoire et assurance dépendance.Quant au financement des EHPAD, la ministre n’apporte pour l’instant aucune solution. Elle se borne à neutraliser pendant deux ans les effets de la nouvelle tarification qui pénalisait fortement les EHPAD public, sans qu’aucune réponse ne soit apportée à plus long terme.Un nouveau front s’ouvre dans le combat contre le big bang de la protection sociale organisé par Macron.
Jean-Claude Delavigne