Une grève des salariéEs des transports routiers a commencé le 18 janvier à l’appel de l’intersyndicale CGT-FO-CFTC-CGC. Entre autres revendications, augmenter les premiers coefficients de la grille salariale, maintenus sous le SMIC depuis 3 ans, en augmentant de 5 % l’ensemble de la grille avec un plancher de 10 euros de l’heure et de 100 euros net par mois, 13e mois pour touTEs, reconnaissance de la pénibilité, suppression des 3 jours de carence maladie...
Différentes actions ont eu lieu sur tout le territoire : blocages, opérations escargot, occupations de sites stratégiques... Tous les piquets sont reconduits et la CFDT, premier syndicat du secteur, a annoncé qu’elle prendrait part au conflit mercredi. Le Medef est vent debout contre les revendications des routierEs : c’est un enjeu majeur pour toute notre classe que cette grève gagne.
Qu’est-ce qu’un routierE ?Avant 1994, les salariéEs étaient « tâcherons », payés au kilomètre sans limitation d’heures. Un aménagement des contrats de travail avait été négocié en 2000 : une base mensuelle de 152 heures au taux de base et un contingent d’heures « d’équivalence » à 125 % (contrat type à 186 heures, dont 34 heures à 125 %).Mais cet « esprit tâcheron » perdure car les salariéEs vont chaque mois chercher leur paye dans les heures supplémentaires qui, au-delà de la 186e heure, sont payées à 150 %. Le patronat est gagnant : ça empêche les embauches et les salariéEs ne se préoccupent pas du taux horaire mais du nombre d’heures sup faisables. Ces « heures d’équivalence » sont libellées comme telles plutôt qu’en « heures supplémentaires contractuelles », avec des règles d’attribution des repos compensateurs beaucoup moins favorables. Tout a été prévu pour que soit maintenue une précarité latente.Enfin, un report de charge de travail et de qualification – sans augmentation de salaire – s’est opéré sur les chauffeurs : les opérations de manutention dévolues aux employés des clients leur sont maintenant ordonnées. C’est du dumping social rampant puisque la convention collective du transport est moins favorable que celle des manutentionnaires dont les clients peuvent à présent se passer.
Le labo de la concurrenceLe traité de Maastricht a favorisé l’émergence de monopoles multinationaux en abolissant notamment une tarification plancher instituée en 1961. En 1999, une loi instituait le monopole des commissionnaires sur l’affrètement. Dix ans plus tard, le Conseil européen promulguait la directive « cabotage » qui autorise le transport intérieur par des sous-traitants étrangers. Sarkozy et Merkel ont signé des deux mains puisque les nouveaux monopoles européens sont surtout allemands (Deutsche Bahn et DHL-Deutsche Post) et français (Norbert Dentressangle et Géodis-SNCF). Ces magnats organisent la concurrence entre les opérateurs de transport. Cela provoque des sentiments xénophobes car des salariéEs des pays de l’Est, moins payés, affluent sur les routes françaises.Il faut donc montrer que ce dumping social a une origine : la recherche du profit maximal. Les salaires sont maintenus au plus bas, les heures nombreuses et pas toutes payées, les conditions de travail effroyables. Il est indispensable de montrer que l’Union européenne, avec ses directives, est l’instrument du grand patronat qui exacerbe la concurrence pour écraser la classe ouvrière. Si l’on ne veut pas laisser le FN en profiter, il faut dialoguer avec le sentiment fortement anti-UE des salariéEs, en montrant la nécessité d’une rupture anticapitaliste avec l’UE et d’une nationalisation sous contrôle ouvrier des grands groupes du transport et de l’affrètement.
Perspectives de la grèveLe patronat a quitté délibérément la table des négociations mardi 20 janvier après le refus des syndicats d’accepter 2 % d’augmentation, un centime au dessus du SMIC (9,62 euros) pour les premiers coefficients de la grille, mais seulement 1 % pour le coefficient le plus haut, soit un écrasement de la grille. De jeunes chauffeurs, très précaires, ont souvent montré dans les discussions leur accord sur les revendications mais les plus anciens montraient un soutien à leurs employeurs. Par ailleurs, la CFDT a tout fait pour reporter son appel à rejoindre la grève. L’urgence est d’étendre les actions et la grève sur tout le territoire.Le transport routier est un secteur clé. En 1996, le patronat et l’État avaient cédé au bout de 13 jours de grève et avaient octroyé un dispositif de pré-retraite (le CFA) garantissant un départ subventionné à 55 ans (57 maintenant). C’est une grève comparable qu’il faut construire aujourd’hui. Pour cela, nous avons besoin du soutien actif d’un maximum de militantEs d’autres secteurs et d’organisations du mouvement ouvrier. C’est un enjeu majeur pour tous les travailleurEs.
Damien Lanchron