Lundi 26 janvier, à l’heure où se terminait la manifestation de plusieurs milliers d’opposantEs à son projet de loi, le ministre-banquier Emmanuel Macron commençait, lui, devant le Parlement. Le gouvernement présentant ce texte en procédure d’urgence, la durée des débats devrait se limiter à quelques semaines.
Des reculs sociaux au nom de l’unité nationalePour le gouvernement, il s’agit de profiter de la confusion semée dans les esprits et dans les positionnements politiques par les attentats contre Charlie hebdo et l’Hyper Cacher pour faire passer un projet de loi purement libéral. Il tente de prolonger sur le terrain social l’unité nationale largement réussie au niveau politique. Pour Macron, il s’agit de montrer que « les Français sont capables de bouger » et que cela « nous autorisera à être plus exigeants avec nos partenaires et l’Europe ».Le Medef ne cache pas sa joie : « Ce que propose aujourd’hui Emmanuel Macron va véritablement dans la bonne direction. Sur les professions réglementées il y a un certain nombre de corporatismes qu’il faut faire évoluer. (…) Oui, le texte est intéressant. Il va dans beaucoup de directions dont l’assouplissement des règles du travail du dimanche, autrefois tabou et qui est une des premières choses que le président du Medef Pierre Gattaz a exprimées », selon Thibault Lanxade, président du pôle entrepreneuriat du Medef.En panne de dialogue social après l’échec de la négociation autour de la question des seuils sociaux, il ne reste au gouvernement que l’apparence de la démocratie parlementaire pour tenter de consolider l’embellie sondagière née des attentats.
C’est pas au Parlement…Avec près de 200 articles à discuter et plus de 3 000 amendements, l’exercice n’est malgré tout pas si simple. Les médias et la majorité des prétendus opposants au projet ont réussi à focaliser l’attention sur l’extension du travail du dimanche dans les commerces et la libéralisation des professions réglementées du droit (notaires, huissiers, etc.).Les commissions se sont multipliées pour tenter de déminer ces thèmes : un encadrement accru de la réforme des professions réglementées et la recherche d’un « compromis » sur le travail du dimanche dans les commerces. Ce « compromis » supprimerait les cinq dimanches de plein droit et laisserait aux élus un choix allant de zéro à douze, et un amendement pourrait introduire une compensation d’au moins 30 % pour les salariés travaillant le dimanche matin dans les supermarchés. Et Macron de répéter : « Le texte peut encore être amélioré... Chaque proposition qui visera l’intérêt général trouvera auprès du gouvernement une oreille attentive. »Toutes ces négociations de couloirs ont comme finalité de neutraliser les « frondeurs » et les députéEs d’EÉLV qui avaient faits de fortes déclarations contre le projet. L’autre enjeu est aussi d’exacerber les contradictions au sein de la droite, une droite dont les dirigeantEs affirment eux aussi que les mesures Macron vont dans le bon sens, mais sont partagés sur l’idée de soutenir, même momentanément, même au nom de l’unité nationale, le gouvernement PS. Les députés Front de gauche, derrière Chassaigne, espèrent « un sursaut de la gauche de l’hémicycle pour rejeter » ce texte, qui consacre le principe du « renard libre dans le poulailler libre ».
Pas de temps à perdreCe qui manque gravement dans le décor, ce sont les mobilisations, seules en mesure de faire reculer le gouvernement. Si c’est sans surprise que CFDT, CGC et CFTC soutiennent largement le projet Macron, l’invisibilité des autres forces syndicales nationales tourne à la caution coupable. Les mobilisations de lundi 26 janvier sont avant tout le résultat de l’acharnement des syndicats parisiens du commerce – regroupés dans le CLIC-P – à s’opposer aux dispositions les concernant dans le projet Macron, tout en ayant conscience de la globalité du projet. Et de ce fait les appels tardifs de structures CGT, de Solidaires ou de FO, n’ont pas permis d’amener le rapport de forces à un niveau qui poserait problème au gouvernement.L’enjeu reste donc de franchir un pas significatif à la mobilisation. Il reste quelques semaines. Il y a donc urgence, d’autant plus que l’absence de riposte pourrait donner de mauvaises idées au gouvernement sur la question des seuils sociaux.
Robert Pelletier