Le monde de la petite enfance se mobilise contre la réforme des retraites. Le 6 octobre 2022 déjà, des milliers de professionnelEs défilaient dans plus de 60 villes en répondant à l’appel de syndicats et du collectif « Pas de bébés à la consigne ! ». En cause : des conditions de travail pénibles et largement méconnues, pour ne pas dire invisibilisées.
Des auxiliaires de puériculture, en passant par les éducs jusqu’aux infirmières et aides auxiliaires, la profession implique de nombreuses contraintes posturales. On piétine, on ne cesse de se baisser, de se relever, le tout en portant des enfants pesant, suivant les âges, entre 6 et 12 kilos.
La pénibilité du métier invisibilisée
Le mobilier est rarement adapté, il est donc difficile de s’asseoir, le confort n’est pas une option. Le tout dans un environnement par nature bruyant. Les contraintes organisationnelles retombent toujours sur les mêmes : il n’est pas rare qu’unE auxiliaire se retrouve à prendre en charge les tâches ménagères, notamment de désinfection, qui impliquent de déplacer meubles et structures lourdes et d’utiliser des produits détergents parfois corrosifs.
Cela a des conséquences sur le long terme. On imagine bien la difficulté à rester vigilantE 7 à 8 heures par jour passé un certain âge. Car de vigilance, il est aussi question : veiller à la sécurité des enfants représente une charge mentale importante.
On ne sera donc pas surpris de savoir que les équipes se retrouvent souvent en sous-effectif, par manque de personnel qualifié ou multiplication des arrêts maladies de la part de salariéEs pressuriséEs. Et pourtant, malgré l’absence de considération, ces travailleurEs font tourner les structures d’accueil et assurent la garde de nos enfants.
Mobilisées contre la réforme des retraites
Il semble inenvisageable, dans ces conditions, de travailler jusqu’à 64 ans, voire plus. Il n’est au final pas si surprenant que ce secteur, d’habitude peu présent dans les différentes mobilisations, ait rejoint le mouvement de grève contre la réforme des retraites. On a ainsi beaucoup parlé de pénibilité au travail, mais sans prendre en compte ces professions féminisées à 97 %, voire 99 %. Une auxiliaire témoigne avoir découvert récemment l’existence du compte professionnel de prévention (C2P) qui permet de déterminer et de référencer les facteurs de risques professionnels à travers un système par points. Après vérification, elle a constaté, sans trop de surprise, qu’elle n’avait cumulé aucun point.
Face à ce manque flagrant de considération, pour ne pas parler de mépris, affiché par un gouvernement qui a fait des femmes les grandes perdantes de sa réforme, tout en prétendant en faire la grande cause du quinquennat, le vase a fini par déborder. Alors que le SNPPE (Syndicat national de la petite enfance), n’avait jusque-là appelé qu’à une date distincte du calendrier de l’intersyndicale, il a, poussé par sa base, rejoint la mobilisation plus générale contre la réforme des retraites le 11 février.
Un secteur peu syndiqué mais en colère
Une innovation pour ce secteur peu syndiqué. De fait, les salariéEs de la petite enfance se retrouvent généralement diviséEs selon qu’elles et ils travaillent en structures associatives, pour une mairie ou pour le privé. CertainEs se retrouvent ainsi rattachéEs aux syndicats territoriaux, d’autres à la santé et l’action sociale. Une professionnelle travaillant en secteur associatif s’est même vue redirigée vers la branche des organismes sociaux, sportifs et culturels.
Dans ces conditions, il n’est pas évident pour les personnelEs de se rencontrer, et même de s’organiser collectivement pour lutter et faire entendre leur voix et leurs revendications. Celles-ci dépassent pourtant ces clivages artificiels : retour sur l’embauche de personnel sans qualification, sur les taux d’encadrement d’un adulte pour 6 enfants, quel que soit l’âge de l’enfant – qu’il marche ou non – décidés en 2021 et considérés comme une régression majeure par les concernéEs, revalorisation salariale…
« Il y a une véritable méconnaissance du code du travail et du droit de grève, et j’irai même jusqu’à dire un manque de conscience féministe, insiste Caroline, auxiliaire de puériculture, c’est frustrant de travailler dans un secteur majoritairement féminin où l’on se sent obligée de sacrifier notre propre bien-être pour le bien des enfants et des familles sans se sentir autorisées à exprimer notre colère en tant que travailleuses invisibilisées. On ne supporte plus d’entendre les parents nous dire “amusez-vous bien” en partant le matin. Notre métier n’a plus rien d’amusant, ce qu’on fait, c’est du travail à la chaîne. »
Aujourd’hui, 8 mars, elle appelle les organisations féministes, ainsi que les syndicats et partis qui se réclament du féminisme, à se saisir de cette cause.