L’été 2010 a été marquant pour la défaite du foot français de haut niveau. Les insultes envers les fameux «milliardaires» que seraient nos joueurs nationaux ont pris une tournure politique sans précédent. Ribéry est prié d’aller faire des passes au Bayern, tandis qu’Anelka lui est relégué à ses supposées racines «immigrées». Tout juste si on n’a pas ressorti le fouet pour mater nos «caïds» des stades, en les punissant comme des enfants qu’on mettrait au coin. Et bien sûr, la FFF s’est faite le porte-voix, à travers celle d’une ancienne gloire du foot lui aussi originaire d’lot bo-a (2), de toute la propagande Finko-zemmourienne sur les gamins de banlieues et autres racailles pétée de fric…. Qui s’la pète justement dans les vestiaires.
Mais si on peut être choqué des montants faramineux qu’empochent nos joueurs, il serait aussi grand temps de s’intéresser également aux bénéfices engrangés par les sponsors, agents véreux, et toute une faune qui les entourent. De cela, personne n’ose en parler. Pourtant l’histoire d’Edel Apoula, camerounais de naissance mais gardien de but arménien (oui oui vous avez bien lu AR-ME-NIEN!) du PSG, serait victime du chantage d’un entraineur, à l’origine de son transfert en Arménie en 2002. «Invité» pour un essai, le garçon alors âgé de 15 ans, jouera pour la sélection nationale arménienne, perdant tout espoir de représenter un jour son pays le Cameroun.
Si l’histoire d’Edel finit bien, sous les couleurs du PSG, combien de milliers de «genoux-crampons» arrachés d’Afrique vivent un drame silencieux??? Ils sont des centaines d’adolescents africains, enfants-foot, qui embarquent pour le voyage sans retour vers les illusions footballistiques. En Afrique, le foot est plus qu’une passion, c’est surtout le ticket pour l’ascenseur social.
Trafic d’identités, chantage, ruines familiales, disparitions, le phénomène a bouleversé la vie de milliers de familles. Un exilé africain sur mille fait carrière dans le football. Les autres, finissent dans les statistiques des associations comme Foot Solidaire ou Manifootball, qui recensent plus de 200 cas de maltraitance et d’escroquerie chaque année. En France, plus de 1.200 cas d’enfants et de footballeurs sans papiers ont été identifiés.
Les Négriers du Foot explore l’une des zones les plus obscures du sport roi: la traite des jeunes originaires d’Afrique. Du départ à l’arrivée, on suit le parcours des sans-papiers du foot, et on décrypte les intérêts multiples en jeu. C’est également la parole donnée à ses «intermédiaires» pas forcément véreux au départ, mais qui s’improvisent et se découvrent une âme de «missionnaire» en Afrique. C’est aussi l’occasion de rencontrer les acteurs africains qui se battent pour que sur le continent des Abédi Pelé, Georges Weah, Joseph-Antoine Bell et Roger Milla, les gouvernements définissent enfin de véritables politiques sportives nationales et se donnent les moyens de former et de structurer des équipes de foot dignes.
Et la performance du Ghana lors du dernier mondial nous invite à croire que c’est POSSIBLE.
Mariam Seri Sidibe
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(1) Maryse Ewanje-Epee: athlète de haut niveau (saut en hauteur), 17 fois championne de France, recordwoman de France pendant 21 ans, médaillée européenne et 4ème aux JO de 1984. Elle est aujourd’hui journaliste sportif. Elle est productrice d’émissions de radio et consultant sur RMC.
(2): Expression créole qui signifie «Celui qui vient de l’autre bord», en référence aux africain-e-s fraichement débarqué-e-s des bateaux négriers. Je vous laisse deviner de qui il s’agit.