Quand le capital a besoin de justifier sa domination ou l’accroissement de son emprise, il trouve sans peine les serviteurs médiatiques disposés à vanter ses mérites et à faire taire les critiques.
Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L'Express, vient d’être nommé membre du directoire du groupe L’Express Roularta. Il assurera également avec Éric Matton la direction du pôle médias grand public comprenant L'Express, L'Expansion, L'Express Styles, Lire, Classica, Studio Ciné Live et leurs sites internet. Belle promotion pour celui qui jusqu’à récemment était considéré comme un journaliste de gauche.
Dans la lutte qui oppose les travailleurs à la poignée de capitalistes qui sont les véritables maîtres de l’économie, les éditorialistes vedettes – souvent cumulards – et autres directeurs de rédaction des médias dominants ont une fonction bien particulière et essentielle : convaincre les premiers qu’ils ne sauraient se passer des seconds et exorciser le spectre d’une autre société possible. Mais il est des « journalistes » qui s’acquittent de cette tâche avec un empressement qui doit retenir notre attention, tant il signale une perte de légitimité du système, le contraignant à recourir aux arguments les plus fallacieux.
Christophe Barbier est de ceux-là, lui qui ces dernières mois – sur LCI et surtout dans L'Express – a fait feu de tout bois dans la défense, non seulement des patrons de France Télécom, mais aussi du travail le dimanche et de l’enseignement privé. Quelques échantillons témoignent du mépris et de la bêtise dont fait preuve, chaque semaine, l’infatigable laquais du capital :
« Les Français n'ont pas envie de travailler le dimanche, mais les Français n'ont pas envie de travailler tout court. Il y a un problème culturel de rapport au travail dans ce pays. [*c] Et vous savez, ils ont encore moins envie de travailler le lundi, on le voit bien à leur tête quand ils arrivent. [*c] Croyez-vous que, pour les jeunes filles de banlieue, il soit plus épanouissant d'être cloîtrées dans leurs cités HLM plutôt que d*fêtre au travail le dimanche ? » (07/07).
[Sur les suicides à France Télécom] « Mais c'est la faute de l'État. L'État, socialement, a trop protégé ses troupes : pas de mutations au mérite, tranquille avancement à l'ancienneté, la sécurité de l'emploi, la culture de la fonction publique à la française.
Et comme l'État, sur le plan économique, a été mauvais, il est obligé de mettre dans le privé toute une série d'activités jadis publiques, et il amène dans le privé des gens qui ne sont absolument pas préparés à la vie un peu plus rude dans le privé » (15/09).
« Si l'on faisait basculer entièrement notre système éducatif vers du privé sous contrat, pour additionner le dynamisme du privé, la motivation des profs, l'exigence de résultats et une certaine forme de discipline, et puis bien sûr les exigences anciennes du public, c'est-à-dire de l'enseignement républicain, des valeurs communes à tous, allons-y ! Tentons le 100 % privé, mais sous contrat républicain ! » (29/09).
Ce n’est pourtant pas la personne de Christophe Barbier qui importe, tant son zèle ridicule à prendre la défense du capital n’a d’égal que la médiocrité des arguments avancés, mais ce qu’il représente : la soumission des médias aux pouvoirs économique et politique et surtout la nécessité d’une transformation radicale d’un système médiatique structurellement inféodé à l’ordre capitaliste.
Léo Carvalho