En avril 2013, François Hollande avait déclaré souhaiter que banques et grandes entreprises soient contraintes à rendre publique chaque année la liste de toutes leurs filiales, partout dans le monde et pays par pays. Au moment de passer aux travaux pratiques, le gouvernement a reculé...
Des députés du PS avaient déposé un amendement à un texte budgétaire obligeant les entreprises à rendre publique chaque année l’intégralité de leurs filiales, où qu’elles soient implantées, avec le nombre de leurs employés, leur chiffre d’affaires, leurs bénéfices, les subventions publiques reçues et le montant des impôts acquittés dans chaque pays. Immédiatement, le Medef et le gouvernement avaient manifesté leur hostilité. Néanmoins, vendredi 4 décembre, l’amendement avait été adopté par les députés.Rejetée par le Sénat, la mesure était revenue devant l’Assemblée dans la nuit du 15 au 16 décembre. Le premier vote avait été favorable... mais le gouvernement a demandé une seconde délibération. Pendant la suspension de séance, il a sommé les députés de corriger le tir et, en pleine nuit, a appelé des absents à la rescousse. Le second vote a abouti au rejet de l’amendement... voté quelques dizaines de minutes plus tôt !
Voilà comment se fait la loi dans la République « hollandaise » sous l’état d’urgence et l’union nationale. Sans doute faussement naïf, l’économiste Thomas Piketty avait publié le 3 décembre une tribune intitulée « Pourquoi le gouvernement protège-t-il les multinationales ? ». En effet, pourquoi le gouvernement s’attache-t-il jour après jour à renouveler l’actualité des paroles de l’Internationale : « L’État comprime et la loi triche. L’impôt saigne le malheureux. Nul devoir ne s’impose au riche » ? Sinon qu’il est désormais dans la nature du social-libéralisme à la française de mettre le droit au service du patronat, avec comme prochaine étape la réforme du Code du travail.