Publié le Mardi 2 juin 2009 à 19h23.

Universités : enseignements de la mobilisation...

Mathilde est étudiante à Paris 10 (Nanterre) et Pascal est Biatoss (personnel administratif et de service) à Paris 3 (Censier). Ils sont porte-parole de la Coordination nationale des universités (CNU). 

Quelle est la situation après quatre mois de mobilisation contre les « réformes » de Valérie Pécresse ?  

Mathilde - La fin du semestre arrivant, on s'est battu pour obtenir la validation automatique des examens, modalité la plus juste pour ne pas pénaliser les étudiants grévistes. Finalement, on a obtenu des modalités d'examens plus ou moins favorables en fonction des facs. Au niveau national, c'est donc plutôt la fin: les examens se tiennent, les étudiants révisent et les enseignants préparent des sujets. Mais les milieux grévistes discutent déjà de la reprise du mouvement en septembre. La situation est différente à Toulouse le Mirail, toujours bloquée, et où les grévistes sont sous la menace d'un déplacement des examens en septembre.

Pascal - Le mouvement n'a pas eu la force de peser sur la tenue des examens, mais la mobilisation ne s'est pas effondrée. La stratégie de Valérie Pécresse de tout miser sur les examens pour faire reprendre et diviser à échouer. La question des examens est restée une décision prise en commun par les étudiants et les personnels. C'est un pas en arrière par rapport à la validation automatique, mais ce n'est pas une débâcle. La communauté universitaire est plus unie qu'il y a six mois, avant le mouvement. Ce n'est pas fini, même si cela ne reprendra pas au même niveau dès la rentrée. Les dernières assemblées sur ma fac ne traitent plus de la grève, mais on refuse toujours de déposer des maquettes pour mettre en place la masterisation de la formation des enseignements. On organise aussi le refus de l'évaluation individuelle des enseignants-chercheurs et des Biatoss. 

Quelles sont les particularités de ce mouvement ?

Mathilde - Les professeurs et une partie des personnels étaient dans la bataille. C'est ce qui avait manqué lors des mobilisations de l'an dernier, où le mouvement était essentiellement étudiant, ce qui provoquait des tensions avec la majorité des professeurs, surtout lors des blocages. La mobilisation des professeurs a permis de lancer un mouvement fort chez les étudiants, et surtout de tenir beaucoup plus longtemps que d'habitude. Mais, le fait que les professeurs soient à la direction du mouvement, n'a pas permis d'accélérer les rythmes de mobilisation, ce qui aurait été nécessaire pour faire reculer le pouvoir.

Pascal - La mobilisation des enseignants est frappante. C'est un milieu habitué à se sentir écouté par le gouvernement et à être épargné par les attaques. Cette fois, ils se sont vus attaqués comme tout le monde. On retrouve cette situation chez les médecins mobilisés pour l'hôpital. Malgré les limites de ce milieu, intégré dans les rouages de la société et ayant des tendances individualistes liées à ses conditions de travail, il y a eu très vite la conscience que les attaques contre l'université sont liées à d'autres et qu'il fallait s'adresser à d'autres secteurs, à commencer par les enseignants du primaire et du secondaire, la santé et les services publics. La mobilisation a permis de tenir près de quatre mois, mais elle n'a pas été suffisante pour construire réellement ces convergences et faire reculer le gouvernement. Malgré cela, ce sont de vrais acquis, qui peuvent peser pour la suite. 

Ce mouvement a-t-il fait apparaître des pratiques démocratiques ? 

Mathilde - La CNU s'est imposée comme le lieu légitime de centralisation du mouvement, mais elle n'a pas réussi à lancer et à organiser un mouvement étudiant. Le statut des délégués (quatre membres du personnel et un étudiant pour la plupart des facs) a joué. Il a manqué une vraie coordination étudiante.

Pascal - L'existence de la CNU est une vraie victoire. Lors des mobilisations précédentes, il y a eu des bagarres pour construire une coordination des personnels. Cette fois-ci, l'idée d'une coordination est arrivée spontanément. Si la CNU n'a pas réussi à être une vraie direction, elle a cependant été véritablement reconnue comme issue démocratiquement du mouvement et comme cadre de discussion pour l'ensemble des composantes et des sensibilités de ce mouvement, très large et très divers. Le fait qu'elle se soit donné des porte-parole ayant fait vivre cette voix entre deux coordinations est probablement un acquis important dans le sens de l'auto-organisation des luttes à venir. 

Propos recueillis par Hugo