Publié le Mardi 15 février 2011 à 09h24.

A Montreuil, le NPA rate sa révolution (Libération du 14 février)

Congrès . Les anticapitalistes n’ont pas surmonté leurs divisions. Sept dirigeants quittent le parti.

Bloqué. Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) sort de son premier congrès figé, divisé, diminué. Flou stratégique, difficultés sur la question du foulard islamique, départs… A Montreuil (Seine-Saint-Denis), ce week-end, les camarades d’Olivier Besancenot étaient loin de l’enthousiasme du congrès fondateur du NPA, en février 2009. La formation n’a pas implosé mais sept membres de la direction sortante ont décidé de quitter hier une formation qu’ils jugent dans un communiqué «isolationniste». Parmi eux, Leïla Chaibi du collectif l’Appel et la Pioche part rejoindre le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon. Ils étaient 9 100 il y a deux ans, les militants du NPA ne sont plus qu’entre 4 500 et 6 000.

La formation est paralysée. Entre une frange «identitaire» et une autre «unitaire» représentant chacune près de 30% du parti, la majorité sortante, dont fait partie Besancenot, tente de reconstruire une «synthèse entre unité et radicalité».«On peut le faire sur une candidature de rassemblement anticapitaliste», assure Besancenot.

Equilibriste. Pas question d’apparaître comme refusant l’union. Ni de «se rallier» à la candidature de Mélenchon et des communistes avec le Front de gauche. «Ils n’ont pas réglé la question de l’indépendance vis-à-vis du PS», fait valoir Myriam Martin, du comité exécutif. Cette position d’équilibriste, «c’est la reproduction d’une même démarche qui n’a pas fait ses preuves», déplore Danièle Obono, responsable de la minorité unitaire, en partance. Preuve du blocage, aucun accord sur un «appel» pour «une candidature de rassemblement» en 2012 s’adressant au «mouvement social» n’a pu être trouvé. Idem sur la question du voile. Seules les «réponses à la crise» et le soutien aux révolutions tunisiennes et égyptiennes ont mis d’accord les militants.

Avec cet appel, le NPA souhaitait apparaître comme le meneur du jeu de l’unité. Mais, depuis que Mélenchon suroccupe le terrain médiatique, les anticapitalistes n’ont plus la main. Le mouvement social est retombé. Aucun leader n’a émergé. Le NPA a perdu sa force d’attraction et se voit contraint d’attendre, d’ici juin et la désignation de leur candidat à la présidentielle, une éclaircie politique. «On n’a pas besoin de gagner du temps mais de montrer qu’on n’est pas obsédés par la candidature», répond Pierre-François Grond, proche de Besancenot. Dans ce contexte, aucune candidature autre que celle du «camarade Olivier» ne semble possible. «Vous avez vu un Domota [leader des grèves en Guadeloupe à l’hiver 2009, ndlr] à Paris ? Cet appel est un gadget, tacle Gaël Quirante, de la minorité identitaire. Le centre de gravité du NPA, c’est de se mettre au boulot sur les salaires, l’emploi… La question électorale est secondaire.» «Le NPA ne peut pas faire comme si le Front de gauche n’existait pas, s’agace Eric Coquerel, du PG. Cet appel est un leurre.» Une «mauvaise plaisanterie qui commence par exclure le Front de gauche que les docteurs de la vraie foi jugent impur», attaque Mélenchon sur son blog.

Camarade. Et, sur la question des porte-parole, rien n’est réglé. Fin mars, Besancenot pourrait au final garder son poste, épaulé par une camarade. La Toulousaine Myriam Martin y «réfléchit encore».«On doit trouver un point d’équilibre entre le renouvellement nécessaire et le fait que ce ne soit pas interprété comme un retrait», fait-il valoir.

Loin de son ambition initiale, un grand parti de masse, le NPA revient doucement à ce qu’était la petite Ligue communiste révolutionnaire. «Le risque est de rester entre nous, de ne plus se tourner vers l’extérieur, alerte Besancenot. On a connu une crise existentielle, on est en train d’en sortir.» A tout petits pas.

Lilian Alemagna