En visioconférence, Macron a supplié le chancelier Scholtz de conclure un deal : « L’Allemagne a besoin de notre gaz et nous, nous avons besoin de l’électricité produite dans le reste de l’Europe, et en particulier en Allemagne » (conférence de presse, 5/09/2022). Pourtant, depuis la guerre en Ukraine, Macron n’a de cesse de fanfaronner que notre pays est à l’abri de la crise, grâce à l’électricité nucléaire, qui « garantit l’indépendance énergétique de la France ».
Un mensonge éhonté car depuis 2001, 100 % de l’uranium qui alimente les centrales nucléaires d’EDF est importé : du Niger (d’où la présence militaire néocoloniale française), du Kazakhstan, d’Ouzbékistan et d’Australie. Encore plus tordu, pendant que Macron s’agite dans les médias pour renforcer les sanctions contre la Russie, il continue d’acheter à Poutine de l’uranium de retraitement, enrichi à l’usine de Tomsk, en Sibérie. Le 13 septembre, une cargaison a été déchargée au port de Dunkerque1. Le terrorisme d’État de Poutine, qui bombarde la centrale ukrainienne de Zaporijjia, séquestre son personnel et kidnappe son directeur, n’empêche pas Macron d’en faire un partenaire commercial tout à fait respectable pour le business nucléaire. Cette politique d’hypocrisie et de mensonges permanents ramène l’injonction qui nous est faite d’« accepter de payer le prix de la liberté » à ce qu’elle est vraiment : un cynisme qui pue le mépris de classe. Quant aux médias dominants, qui « traquent les fausses informations » sur les réseaux sociaux, ils respectent l’omerta sur ce fatras de fake news assumées à la tête de l’État.
Le fiasco continue : six nouveaux EPR prévus quand celui de Flamanville ne fonctionne toujours pas
Après le « grand débat », la convention citoyenne pour le climat, les États généraux de la Santé, l’enfumage va encore plus loin avec la politique énergétique : « un déploiement à marche forcée de la stratégie nucléaire », dixit Macron le 22 septembre dernier. Plus que jamais au service des groupes capitalistes qui font de la filière nucléaire un business juteux, mais énervé par les fiascos à répétition, il veut passer en force. Et le 26 septembre, il a présenté au CNTE (Conseil national de la transition écologique) son projet de loi pour s’affranchir des enquêtes publiques et démarrer la construction de 3 paires de réacteurs EPR en contournant la loi littoral et le code de l’environnement. L’EPR de Flamanville, c’est déjà 12 ans de retard, un coût multiplié par 6 (plus de 20 milliards d’euros), et il ne fonctionne toujours pas ! Avant de rêver de ces 6, puis 8 autres, EPR2, il faudrait d’abord éliminer toutes les malfaçons de l’EPR de Flamanville : qu’EDF répare les soudures du circuit secondaire principal, fasse requalifier et remplace les assemblages combustibles du cœur nucléaire (fragilité détectée sur l’EPR chinois en 2021), trouve une solution technique pour permettre au système de pilotage de fonctionner correctement… au plus tôt en 2024 ! C’est aussi l’année imposée par l’ASN (Autorité du sûreté nucléaire) pour remplacer le couvercle de la cuve, non conforme, par un autre commandé en 2017 aux forges japonaises. De gros travaux, avant les essais qui livrent souvent de mauvaises surprises… Les 6 EPR2 ne seraient pas mis en service avant 2040. Conçus pour fonctionner 60 ans, ils devront sans doute s’arrêter avant faute de combustible, car les réserves d’uranium exploitables seront épuisées vers 2070, avant le pétrole… Quant aux déchets nucléaires et autres combustibles Mox usagés (prévus aussi pour les EPR), ils continuent de s’accumuler, au point de bloquer toute la filière. Le gouvernement, qui veut imposer leur enfouissement dans une décharge nucléaire (projet Cigéo, dans la Meuse), militarise les villages de la région et réprime les opposants.
Un cynisme sans Borne
Quant aux 56 réacteurs actuels, leur production est au plus bas depuis trente ans : autour de 40 % de leur puissance totale. Les problèmes de vieillissement (corrosion-fissuration des tuyauteries du système d’injection de sécurité) et le réchauffement climatique (manque d’eau de refroidissement et températures élevées) ont conduit à l’arrêt de nombreux réacteurs, malgré les dérogations accordées par l’ASN. Désormais, le nucléaire est une énergie intermittente, avec un taux de disponibilité comparable à celui des éoliennes en mer. Et depuis 2021, la production électrique mondiale « solaire + éolien » a dépassé celle du nucléaire. Craignant le black-out, le gouvernement Borne a concocté un « plan de sobriété énergétique » non pas pour résoudre la crise climatique, mais pour préserver les intérêts économiques des entreprises. Les usagers que nous sommes sont priés de mettre la doudoune, tandis que, du 15 octobre au 15 avril, les ballons d’eau chaude sanitaire seront coupés à distance via le « compteur communiquant » Linky, ce qui donne raison aux centaines de collectifs anti-Linky qui dénoncent depuis des années ce dispositif intrusif de contrôle social. Alors, pour masquer le fiasco du tout-nucléaire et l’absence totale de plan de reconversion énergétique, le gouvernement continue de mentir : « EDF s’est engagé à démarrer tous ses réacteurs pour cet hiver »2. Une promesse impossible à tenir, d’autant que, sur l’exemple des travailleurs de Total, des grèves se préparent dans les centrales EDF.