Publié le Jeudi 25 janvier 2024 à 14h00.

Plus vite, plus fort

C’est le nouveau slogan de Macron pour imposer « le nucléaire à marche forcée ». Exit le ministère de la Transition énergétique. La construction des réacteurs EPR rêvés par Macron sera « pilotée » par un super ministère « de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ». Un montage fumeux révélateur de l’impasse dans laquelle nous conduit ce gouvernement de menteurs.

En guise de vœux, Pannier-Runacher, feu ministre de la Transition énergétique, a confirmé le 7 janvier le projet de 14 autres EPR. En 2019, Élisabeth Borne, alors ministre de la Transition écologique, y avait pourtant mis un préalable : la mise en service de l’EPR de Flamanville. Or, il n’est toujours pas opérationnel vingt ans après la décision de sa construction, prise en 2004. C’est un fiasco écologique, technologique et économique, nié par Macron et les adorateurs du nucléaire. Les contre-vérités assénées par les négationnistes du risque nucléaire, des médias complaisants et autres « experts » influenceurs à la solde du lobby font écran à la réalité.

Macron a tout faux 

Le projet de loi de « souveraineté énergétique » passera en Conseil des ministres fin janvier. Il supprime tous les objectifs chiffrés de sobriété­efficacité (100 % de bâtiments basse consommation en 2050) et de développement des énergies renouvelables (33 % de la production en 2030) inscrits dans le code de l’énergie. Le seul objectif affiché est le développement du nucléaire : prolongation des vieux réacteurs et 14 EPR. Les énergies renouvelables (EnR), considérées comme « intermittentes », ne sont plus qu’une énergie d’appoint du nucléaire, labellisé « pilotable ». Le titre de la loi est en soi un concentré de désinformation. Une politique énergétique dépendante à 100 % (l’uranium qui alimente les centrales est entièrement importé… comme le pétrole), c’est donc ça la « souveraineté énergétique » ? Fébrile pour ­sécuriser les ­approvisionnements après la débâcle néocoloniale de l’opération Barkhane au Niger en 2022, Macron a multiplié les voyages éclair en 2023 : le 1er mai en Mongolie (projet de mine d’uranium convoité par le groupe Orano), le 1er novembre au Kazakhstan (1er producteur mondial) et en Ouzbékistan ; deux ­dictatures féroces mais pour le coup fréquentables (40 % de l’uranium importé). Quant à l’uranium « recyclé », il est retraité en Russie… malgré l’embargo en vigueur pour invasion de l’Ukraine. Et l’énergie nucléaire est-elle vraiment « pilotable » ? En réalité, c’est l’inverse : avec une disponibilité du parc EDF réduite à 45 % de sa puissance à l’été 2022, c’est plutôt une énergie « intermittente ». Sans débat public, profitant de la toute-puissance jupitérienne, le projet de loi « fixe » un objectif incantatoire de 75 % de disponibilité des centrales nucléaires en 2030. Un taux ridiculement bas au demeurant, bien loin des standards internationaux (autour de 90 %) ! Mais qui en dit long sur l’état de délabrement des centrales en France… et sur la confiance que le gouvernement accorde en réalité à une énergie dont il vante pourtant la fiabilité.

Fuite en avant

Pour « fluidifier » les processus, Macron a décidé seul que l’IRSN 1 serait fondu dans une Autorité de sûreté unique sous sa coupe 2. Un député macroniste explique : « L’IRSN se présente de plus en plus en contre-pouvoir » ; on lui reproche « sa proximité avec la société civile, et donc, parfois, avec des militants antinucléaires. » 

Le 8 février, le projet de loi sera représenté au Parlement. Dans la suite des grèves et manifestations massives 4 qui ont mobilisé en 2023 une majorité des 1 750 salariéEs de l’IRSN, un nouvel appel à la grève a été lancé pour ce jour-là. 

Cette dérégulation à tout-va inquiète jusqu’aux pro-­nucléaires : « Le nucléaire n’est pas une énergie comme les autres. Les risques […] diffèrent de tous les autres systèmes de production énergétiques connus. Les conséquences de ces risques s’étalent sur des décennies, voire des siècles et ne restent pas localisées à l’épicentre de l’accident […] Bouleverser la régulation d’une filière aussi sensible tout en augmentant drastiquement la montée en charge pourrait être le “en même temps” de trop. » 5 

Oui, le principal facteur d’accident nucléaire, c’est bien Macron.

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  • 1. Contrôleur technique des installations nucléaires.
  • 2. Conseil de Politique nucléaire, 3 février 2023.
  • 3. Marianne, du 23 novembre 2023.
  • 4. Voir l’Anticapitaliste n° 650, n° 651, n° 652, n° 654
  • 5. Revue des Deux Mondes, le 15 janvier 2024.