Si l’année 2020 a vu diminuer légèrement, en France, le nombre de féminicides, celui des violences faites aux femmes a, au contraire, bondi. D’après les chiffres du gouvernement, 24 800 viols ont été déclarés en 2020, avec une hausse de 11 % par rapport à 2019.
Les associations de terrain savent que ces chiffres sont très en dessous de la réalité : seulement une femme victime sur 10 fait la démarche de porter plainte, et le Collectif féministe contre le viol a recensé plus de 85 000 victimes de viol ou tentative de viol.
D’une part, très peu portent plainte car ce crime implique généralement un conjoint ou un proche. D’autre part, l’accueil souvent déplorable dans les commissariats puis le traitement de la justice (qui condamne moins de 1 % des violeurs) constituent une seconde violence, insupportable elle aussi.
Pourtant la vague lancée par #MeToo a permis de faire entendre les voix des victimes, et par son ampleur a amené une certaine prise de conscience dans la société. Aujourd’hui, le hashtag #MeTooInceste révèle un autre pan des violences sexistes.
L’inceste et les agressions pédocriminelles
Parmi ces violences, celles concernant les enfants ont longtemps été ignorées. Pourtant un enfant sur 10 serait victime de violences sexuelles dans sa famille, soit 6,7 millions de personnes en France, dont une très large majorité de filles1.
Jusqu’à récemment, le tourisme pédocriminel dans les pays pauvres était considéré avec complaisance et l’on débattait du « droit » des enfants en France à avoir des relations sexuelles avec un adulte, sans questionner le rapport d’emprise qu’un adulte peut avoir sur unE enfant ou unE adolescentE.
Vanessa Springora, qui a été une des jeunes victimes de Gabriel Matzneff, a justement dévoilé toute l’imposture de ce « consentement »2. Au-delà de la dénonciation de son prédateur, cette autrice révèle une société complice, qui a admiré un quinquagénaire séduisant une adolescente de 14 ans, tout en rédigeant des récits très explicites de sa consommation de jeunes garçons en Asie. S’agit-il d’une « autre époque », comme on peut l’entendre ? Ce qui est sûr, c’est qu’à notre époque, les voix des victimes résonnent plus fort. Récemment, de fortes mobilisations ont eu lieu autour du cas emblématique de Julie, violée à 14 ans par 20 pompiers et dont la justice a méprisé la parole.
Culture du viol et société patriarcale
Les violences contre les femmes et contre les enfants s’inscrivent dans un même schéma de domination, fondée sur l’autorité du pater familias. C’est dans la famille hétérosexuelle que s’apprennent les relations de pouvoir, du mari sur la femme, des parents sur les enfants. Comme l’écrivait Marx, « dans la famille, l’homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat. » Ainsi, pour l’anthropologue Dorothée Dussy, « l’inceste est le paroxysme de la domination masculine ».
Depuis les théories freudiennes assimilant les souvenirs traumatiques à des fantasmes enfantins, jusqu’aux concepts masculinistes comme le « syndrome d’aliénation parentale », la parole des enfants est déniée, et les mères forcément coupables. La présomption d’innocence du potentiel agresseur se transforme en présomption de mensonge concernant les victimes. La société tout entière diffuse une culture du viol, où la souffrance des victimes est méprisée, voire érotisée.
Ces violences perpétuent un système de domination, où chacunE doit rester à sa place. Donc chaque parole qui se libère contribue à ébranler l’ordre patriarcal. C’est pourquoi la place des militantEs révolutionnaires est d’accompagner et de soutenir ces mobilisations.