42 ans après le 30 mars 1976, les PalestinienEs d’Israël sont toujours victimes de politiques destinées à les minorer politiquement et à les empêcher de jouir pleinement de leurs droits sur leur propre terre. Selon l’ONG Adalah, il existe pas moins de 65 lois israéliennes discriminatoires à l’égard des non-juifs, qui autorisent à parler d’un système d’apartheid.
On dit souvent que les Palestiniens d’Israël sont des citoyens « de deuxième classe », et pourtant cette expression ne reflète pas la réalité. Bien qu’on ait donné la citoyenneté israélienne aux Palestiniens qui sont restés à l’intérieur des frontières du nouvel État, on ne l’a pas utilisée d’emblée comme un mécanisme d’inclusion.
Un système raciste sophistiqué et camouflé
C’est parce que, en Israël, à la différence de la plupart des pays, citoyenneté et nationalité sont des termes et des catégories distincts. Alors qu’il existe une citoyenneté israélienne, il n’y a pas de nationalité israélienne ; la nationalité est plutôt définie selon des axes religieux/ethniques. Israël définit 137 nationalités possibles, dont juive, arabe et druze, qui sont consignées sur les cartes d’identité et dans l’enregistrement des bases de données. Pourtant, parce que l’État se définit constitutionnellement comme juif, ceux qui jouissent de la nationalité juive éclipsent la population non juive (principalement palestinienne).
Comme la « nation juive » et l’État d’Israël sont considérés comme une seule et même entité, la conséquence est l’exclusion des citoyens non juifs. [Un rapport publié en 2017 par la Commission économique et sociale de l’ONU pour l’Asie occidentale (CESAO)] explique que la différenciation entre citoyenneté et nationalité permet un système raciste sophistiqué et camouflé, pas forcément détectable par un observateur ignorant. Le système divise la population en deux catégories (Juifs et non-Juifs), incarnant la définition même de l’apartheid. Les citoyenEs palestiniens sont ainsi désignés comme des « Arabes israéliens », terme devenu commun dans les médias traditionnels. En plus d’agir comme faisant partie du mécanisme d’exclusion binaire, cette appellation cherche à nier l’identité palestinienne de ces citoyenEs tout en permettant à Israël de se présenter comme un État divers et multiculturel. Ceci entre en jeu dans l’accès à la terre, au logement, à l’éducation…
Exclusion politique
Les citoyenEs palestiniens ainsi que les Juifs israéliens ont mis plusieurs fois en doute la question de citoyenneté et nationalité devant les tribunaux israéliens. Alors que les Palestiniens l’ont fait pour essayer de gagner la totalité des droits à l’intérieur de l’État, les Juifs israéliens cherchaient généralement à renoncer à l’identité ethnique et religieuse. Jusqu’ici, la Cour suprême israélienne a rejeté toutes les requêtes demandant à changer la loi en se fondant sur le fait que la nationalité israélienne permettrait techniquement l’inclusion des citoyens non juifs et mettrait en question le soutènement sioniste d’Israël en tant qu’État-nation juif. […]
Comme les PalestinienEs ne peuvent gagner que difficilement des procès ou des appels dans le système juridique israélien, ils ne peuvent pas sérieusement défier ce régime racial. Et bien que la participation politique des PalestinienEs à la Knesset soit souvent citée comme un exemple de la pluralité et de la démocratie de l’État, depuis 1948, aucun parti arabe n’a été inclus dans une coalition gouvernementale et seuls quelques rares citoyenEs palestiniens ont été nommés à des postes ministériels. Les candidatEs à la Knesset peuvent être rejetés s’ils nient l’existence d’Israël en tant qu’État juif et démocratique, faisant de l’acceptation que l’État est là pour le peuple juif, et que l’existence des Palestiniens à l’intérieur de l’État ne sera jamais égale à celle de leurs pendants juifs, une condition préalable à la participation politique en Israël.
Extrait de Yara Hawari, « L’Apartheid de l’intérieur ? Les citoyens palestiniens d’Israël », 23 novembre 2017, en ligne sur https://www.agencemediap….