Cela va faire tout juste cinq ans que l’intervention militaire franco-britannique en Libye a commencé, débutée le 19 mars 2011 et justifiée par la résolution numéro 1973 des Nations unies adoptée le 16 mars 2011 qui légitimait « le recours à la force » contre le régime de Kadhafi.
Les instigateurs de cette intervention étaient bien plus le président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, et le Premier ministre britannique David Cameron que l’administration étatsunienne.
A l’époque, c’était surtout Sarkozy qui était aux avant-postes de l’intervention. Mais comment en est-il arrivé là ? Il faut se rappeler tout de même que peu de temps avant, Sarkozy semblait encore trouver un certain charme au dictateur libyen... Ainsi, le 25 avril 2007, la première visite d’État transcontinentale de Nicolas Sarkozy récemment élu l’avait mené à Tripoli, sous prétexte de présider à la libération des infirmières bulgares emprisonnées sous le prétexte fallacieux d’avoir répandu le SIDA en Libye. En réalité, cette libération (contre une rançon de fait de plus de 400 millions de dollars payée en fait par le Qatar) avait été négociée en amont. Une visite de juillet 2007 servit, en pratique, surtout à signer des contrats en matière d’armement et de livraison de centrales nucléaires. En décembre 2007 eut lieu en retour la visite du « guide » Mouammar Kadhafi à Paris, où il s’acharna à imposer ses volontés à son hôte Sarkozy, notamment en plantant sa tente pendant une semaine dans la cour de l’Élysée...
De l’aventurisme militaire à la catastrophe
Comment Nicolas Sarkozy, d’ami pathétique du dictateur Sarkozy, est-il devenu le premier défenseur d’une intervention militaire contre son régime ? Le 11 janvier 2011, sa ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, avait proposé publiquement le « savoir-faire policier français » à la dictature tunisienne. Et trois jours plus tard, le chef du régime tunisien, Ben Ali, prit la fuite. On sut alors qu’entre noël 2010 et le jour de l’an 2011, Alliot-Marie passa ses vacances en Tunisie aux frais d’un milliardaire local, Aziz Miled, à la fois proche de Ben Ali... et partenaire en affaires de Kadhafi. Le conjoint de la ministre, Patrick Ollier, lui aussi ministre UMP, était quant à lui le président du groupe parlementaire d’amitié France-Libye depuis 2000, faisant du lobbying pour l’entrée d’entreprises françaises dans ce pays de cocagne. Bref, si Sarkozy n’avait pas renvoyé sa ministre (chose faite le 27 février 2011) mais aussi pris ostensiblement ses distances avec le régime libyen, la France aurait été clairement identifiée aux anciens régimes dans la région, risquant de perdre durablement en influence si ces régimes étaient renversés.
Alors il décida de prendre la tête d’une intervention… quels que soient ses résultats sur le terrain, le renversement du régime ne s’appuyant pas sur un mouvement civil de masse comme en Tunisie et en Égypte. Un état des choses aussi lié à la nature du régime et à l’absence d’un prolétariat libyen, dans un pays où le travail physique fut largement laissé aux immigrés. Lors de la chute de l’ancienne dictature fin août 2011, on trouva dans les décombres des palais de Kadhafi des documents compromettants sur des entreprises françaises. Ainsi, la société Qosmos avait doté l’ancien régime en matériel de surveillance de masse en matière de télécommunication et d’Internet. C’est aussi pour effacer de telles traces que Sarkozy prit les devants en ordonnant une intervention militaire.
Avec l’héritage de l’ancien régime qui avait artificiellement maintenu une structure politique « tribalisée » du pays (l’interdiction de tout parti ou syndicat laissant les structures claniques comme seuls interlocuteurs), cette intervention a contribué à laisser la Libye dans une situation véritablement catastrophique.
Bertold du Ryon