Depuis longtemps, les discours majoritaires (y compris au sein de notre camp social) tendent à opposer les combats entre le « social » d’un côté et le « sociétal » de l’autre. L’un est révolutionnaire et l’autre purement démocratique.
Et comme le patronat sait utiliser les divisions au sein de la classe, il ne faut surtout pas parler de racisme, de sexisme, de LGBTIphobies pour favoriser l’unité de notre classe face au patronat. Inversement, toutes les mobilisations féministes, antiracistes, LGBTI, sont soupçonnées d’interclassisme, et, de ce fait, désinvesties par les militantEs du mouvement ouvrier.
Contre-réforme des retraites
La mobilisation contre la réforme des retraites a fait voler en éclat cette fausse dichotomie. Certes, toute notre classe avait à perdre à la mise en œuvre de cette réforme. Néanmoins au sein du prolétariat, l’impact sera pire pour certaines catégories de la population, ce qui est le cas des LGBTI. En effet, nombre d’entre nous sont victimes du chômage et de la précarité, subissant des carrières en dents de scie, pousséEs hors de nos emplois par l’homophobie ou la transphobie. Nombre d’entre nous ont connu la rue, ont des problèmes de santé physique ou mentale à cause des discriminations. Pour les personnes trans, il n’est pas certain que tous les trimestres cotisés sous l’ancien numéro de Sécurité sociale soient bien décomptés dans le calcul pour la retraite.
C’est pour cette raison que dès le 17 janvier 2023 est sortie une tribune « Pour une retraite joyeuse des LGBTI », signée par la Commission LGBTI du NPA aux côtés d’autres organisations (comme Acceptess-T, l’Inter-LGBT, ou les Inverties) et personnalités LGBTI (comme Fatima Daas ou Océan). Celle-ci appelait à participer aux manifestations organisées par l’intersyndicale contre la réforme, et revendiquait le retour à la retraite à 60 ans avec 37,5 annuités pour touTEs.
Pink Bloc
Dans ce cadre, animé par différents collectifs (Les Inverties, FierEs, Queer Parlons Travail, le CFR, etc.), s’est structuré un Pink Bloc dans les manifs, en particulier à Paris, dès le 19 janvier. Il s’est organisé par assemblées générales et a mis en place une caisse de grève queer1. Celle-ci a servi en premier lieu « à soutenir les queers grévistes », mais également à « soutenir les queers précaires impactés par la grève, qui galèrent sans protection sociale et droit du salariat ».
Le Pink Bloc avait vocation à tisser les liens, pour que le mouvement LGBTI ainsi que ses membres puissent se sentir légitimes à parler de « social » et de lutte des classes, et pour que le mouvement ouvrier se sente, lui, légitime à défendre les LGBTI, puisse s’approprier ses revendications et les faire siennes. Ces cortèges, unifiant les manifestantEs autour d’expériences partagées de l’oppression, ont permis dans un premier temps de crier au reste de la communauté LGBTI que la mobilisation la concernait elle aussi, de lui offrir un point de ralliement et un espace relativement « safe » sans LGBTIphobies. Ils ont aussi servi à montrer au reste de notre classe que nous, LGBTI, existons, que nous sommes pour notre immense majorité des prolétaires. Cette démarche du Pink Bloc est donc une première étape pour la construction de fronts communs entre le mouvement LGBTI et le reste du mouvement social, les organisations du mouvement ouvrier.
Enfin, s’il a servi à visibiliser les enjeux liés aux personnes LGBTI, le Pink Bloc a surtout fait souffler un vent de fraîcheur dans la rue à chacune des journées d’action. La lutte peut être joyeuse, festive, pleine de paillettes et de slogans humoristiques, provocateurs… elle peut même être « camp »2.