La réunion du G20, au début du mois, n'a apporté aucune solution à la crise économique. Pire, les vingt pays les plus riches du monde poursuivent leur fuite en avant.
Pourquoi le G20 n’apporte-il- aucune solution à la Crise ?
Les chefs d’Etat du G20 se sont réunis, le 2 avril, pour repenser le système financier international et essayer d’apporter des réponses à la crise. Le débat actuel porte en effet sur l’évolution de la réglementation financière dans les pays développés. Les conclusions du sommet sont des déclarations visant à rassurer les opinions publiques et des annonces d’actions pour éviter l’effondrement du système. En effet, cette réunion a lieu au début de la crise, alors que les conséquences sociales commencent tout juste à se matérialiser. La hausse du chômage va continuer jusqu’à mi-2010 au moins; son taux devrait dépasser 10% dans tous les pays développés. Le but avoué du G20 est de ne rien changer à la logique financière qui a prévalu et qui est responsable de la crise. Ce résultat est le fruit du rapport de forces au sein des pays capitalistes, qui reste favorable aux banques et aux marchés financiers. Mais il y a fort à parier qu'il va changer dans les trimestres à venir et que le débat sur la réglementation financière va se rouvrir. L’enjeu politique sera alors d’élargir ces questions, parfois techniques, à un débat démocratique sur la logique capitaliste.
Quel est le mécanisme actuel de la crise ?
La crise a été rendue possible par la dérèglementation de la finance, celle-ci ayant enlevé les digues qui empêchaient les déséquilibres financiers de déborder dans les autres secteurs de l’économie. La crise est le résultat d’une bulle financière et immobilière essentiellement aux Etats-Unis, en Angleterre et en Espagne. La bulle a été rendue possible par la transformation des crédits immobiliers en actifs financiers vendus sur les marchés, phénomène appelé titrisation. Ces titres financiers (dont les fameux subprimes) ont été achetés par beaucoup d’acteurs, mais surtout par les banques ! Au final, ce sont ces dernières qui ont pris possession des titres financiers et donc qui ont financé la bulle immobilière américaine. La nouveauté, c’est que le processus de titrisation a permis à beaucoup d’intermédiaires de se faire beaucoup d’argent en vendant très chers des titres de mauvaise qualité. Ces titres, appelés actifs toxiques, s'élèveraient à plusieurs milliers de milliards de dollars, soit plus de 2000 fois la production annuelle de la Centrafrique. Le système bancaire mondial a réalisé qu’il était, en fait, proche de la faillite. La dérèglementation a donc permis qu’une bulle immobilière se transforme en bulle financière, puis en crise bancaire.
Est-ce que la crise est due à un problème de réglementation ?
La crise est d’abord le résultat des stratégies des investisseurs financiers et bancaires. Les responsables de la crise, ce sont d’abord les capitalistes. On nous a dit que les actionnaires possèdent les entreprises, prennent des risques et sont rémunérés par des dividendes, ou des stock-options pour les dirigeants. Mais les actionnaires n’ont absolument pas surveillé l’action des banques : ils ne font qu’empocher les dividendes quand cela va bien et demander l’aide de l’Etat quand cela va mal. Ils n’ont fait que ponctionner la rente des entreprises. L’idéologie du capitaliste entrepreneur, qui crée son entreprise (etc.) ne correspond en rien a la réalité du capitalisme actuel : les capitalistes sont des parasites qui se nourrissent sur la bête. Aussi, l’accroissement de la rémunération du capital et des dirigeants des entreprises nous était vendu comme la rémunération de leur compétence. Rappelons que le salaire des grands patrons dépasse 300 salaires de smicard et qu’il a augmenté de plus de 30% en dix ans alors que le salaire de 80% des salariés a stagné sur la même période. La crise montre que la rémunération des dirigeants provient des risques qu’ils prennent avec l’argent et le travail des autres. La réglementation économique et financière sert à limiter les effets des dérives capitalistes. On a eu les capitalistes les plus fous dans la réglementation la plus floue. Les discours « d’unité nationale » face à la crise sont faits pour cacher les vrais responsables : ce n’est pas seulement le capitalisme de manière abstraite, mais surtout, de manière concrète, les capitalistes.
Qui pousse à la dérèglementation financière ?
Au moins trois forces politiques poussent à la dérèglementation. La première est la droite libérale, qui a voulu résoudre le problème politique de la montée des inégalités par une augmentation des crédits vers les plus pauvres. Cela permettait de ne pas augmenter les salaires et, en même temps, d’essayer de constituer une base électorale de propriétaires attachés à leur maison. Bush a poussé pour l’augmentation des prêts immobiliers aux plus pauvres dès 2002. Cette illusion de la finance contre les inégalités, que l’on retrouve parfois dans les débats sur le microcrédit, a simplement caché le fait que les pauvres devront rembourser leur crédit.
Le second moteur politique de la dérèglementation est la concurrence entre l’Angleterre (la City) et les Etats-Unis (New York) pour attirer l’épargne mondiale : la montée des inégalités a produit des ultrariches, même dans les pays en voie de développement qui ont placé leur épargne dans les lieux les plus « attractifs » pour eux, c’est-à-dire les moins réglementés. La concurrence entre les places financières et entre les banques a amené les Etats à céder aux pressions des lobbies financiers et bancaires, qui sont très organisés en France, pour faciliter les normes comptables en faveur de la finance et alléger la réglementation bancaire (les ratios prudentiels), etc. Au niveau international, Wall Street et la City sont des acteurs politiques très organisés, qui défendent le libéralisme financier car ils vivent de rentes financières.
Le troisième moteur politique de la dérèglementation est la nécessité des Etats de vendre leur dette publique. Au début des années 1980, Reagan a dérèglementé les marchés financiers pour que l’Etat américain puisse financer la « guerre des étoiles » contre l’URSS. Aujourd’hui les Etats sont obligés de faire des plans de relance pour éteindre l’incendie, et donc de s’endetter énormément. Comme les Etats refusent d’envisager des hausses d’impôts pour les plus riches, ils se rendent dépendants des marchés financiers pour leur dette.
A quoi sert la réunion du G20 ?
Le G20 du 2 avril est essentiellement une opération de communication pour calmer les marchés financiers affolés. Beaucoup de discours, pas grand-chose de concret. Les chefs d’Etat font tout pour limiter le coût politique de la crise, sans rien remettre en cause de la logique financière. Par exemple, le G20 a annoncé un plan de relance de 1100 milliards de dollars. Ces plans de relance sont prévus sur plusieurs années et incluent des dépenses récurrentes des Etats. Les vrais montants des relances sont encore difficiles à estimer. Ensuite, les annonces de nouvelles structures, comme le comité pour les risques systémiques, sont bidons. D’autres structures existaient déjà, comme le Forum pour la stabilité financière, qui n’ont servi à rien pour anticiper la crise.
Que penser de l’augmentation des ressources allouées au FMI ?
Le G20 a augmenté les ressources du FMI de 250 milliards d’euros. Seulement une petite partie de cet argent va aller aux pays en développement sous forme de subventions. L’essentiel de ces ressources va probablement être utilisé pour prêter à des pays en difficulté, afin d'éviter que des Etats entiers ne soient en faillite. Mais il faut tout d’abord rappeler que le FMI a été un acteur important de la libéralisation financière, en conditionnant ses prêts à des réformes structurelles dont le contenu invariant a été privatisation et ouverture aux marchés des capitaux. Cela a été le cas en Argentine, en Indonésie, au Sénégal, en Guinée au Ghana entre autres. Le FMI n’a jamais affirmé la nécessité d’une nouvelle doctrine. Pour ne pas mettre en cause les pyromanes, on va financer un marchand d’allumettes déguisé en pompier ! Encore une fois, l’action actuelle du FMI, avec les prêts à la Pologne, à l’Islande et bientôt au Mexique, est là pour éviter un écroulement global du système, pas pour financer un autre mode de développement.
A quoi sert la liste des paradis fiscaux?
La liste des paradis fiscaux envisagée par le G20 et donnée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) aurait pu être une avancée. Les paradis fiscaux, sujet de discorde, posent un problème aux Etats, du fait du contournement de leurs fiscalités. La liste donnée par l’OCDE, fruit d'un compromis très politique excluant les Etats-Unis, a finalement été réduite à néant, car les Etats pointés du doigt se sont finalement engagés à respecter « les standards internationaux »… La question plus générale concerne la nécessité de lutter contre la concurrence fiscale entre les Etats. Les capitalistes financiers et industriels, dans le cadre des délocalisations, mettent les Etats en concurrence pour payer le moins d’impôts. De même, les financiers mettent les Etats en concurrence pour avoir la réglementation la plus « souple », dont on voit aujourd’hui les conséquences. Il faut une coordination mondiale avec une instance de réglementation démocratique qui ne laisse aucun vide règlementaire ou fiscal.
Quelle politique anticapitaliste développer aujourd’hui ?
Il faut absolument articuler les revendications contre les licenciements et pour le pouvoir d’achat à une critique du système capitaliste lui-même. Les capitalistes ne sont pas capables de gérer les entreprises à long terme, dans les domaines financier et bancaire, mais aussi dans le domaine industriel. Ils demandent des aides d’Etat sans aucune contrepartie. Le secteur automobile est un exemple manifeste. La façon dont l’Etat français a donné du capital aux banques sans exiger sa part de contrôle – comme n’importe quel capitaliste l’aurait fait – montre à quel point on marche sur la tête.
Il faut nationaliser le système bancaire et le financement de l’économie, et les mettre sous le contrôle des salariés. L’Etat aide aujourd’hui les banques, soutient les PME et les marchés par l’action de la Banque centrale européenne. Il faut remettre tout cela et défendre la socialisation de l’investissement, dans l’intérêt du plus grand nombre. Cela revient à nationaliser les banques et à imposer une politique du crédit. Ensuite, il faut remettre en cause la logique capitaliste, selon laquelle les actionnaires contrôlent les entreprises et sont rémunérés pour cela. Les dirigeants des sociétés sont trop payés et sont, en fait, des actionnaires cachés. Le contrôle des choix productifs et des rémunérations doit revenir aux salariés des entreprises. Les salariés doivent contrôler les conseils d’administration. Il faut interdire les licenciements par principe et laisser les salariés décider de l’évolution de leur entreprise. La crise montre ensuite qu’il faut un contrôle social des choix d’investissements financiers. Aucun Etat, aucune agence (publique ou privée) ne connaît les risques pris par les banques. Il faut rendre les comptes publics et lever le secret bancaire partout, pour lutter contre la concurrence fiscale entre les Etats. Cela permettrait aussi de lutter contre le blanchiment de l’argent du capitalisme illégal. Enfin, la crise montre la nécessité d’un internationalisme fort. Les travailleurs américains, chinois, européens, ont les mêmes intérêts : lutter contre la domination de la finance et contre le contrôle des capitalistes. Cela s’appelle la lutte des classes.