Publié le Mercredi 17 mai 2023 à 11h10.

Gonesse : « Le gouvernement fait tout pour ne pas éviter l’urbanisation »

Entretien. Bernard Loup, président du Collectif pour le Triangle de Gonesse revient sur le combat qui continue pour faire abandonner la ligne 17 nord et la gare du Triangle de Gonesse.

Vous défendez depuis de nombreuses années les terres de Gonesse menacées par EuropaCity et le Grand Paris Express. Pouvez-vous retracer les grandes étapes de ce combat ?

Dès 1995, il y a eu des luttes pour défendre les terres agricoles sur la partie ouest de la Plaine de France. Le Triangle de Gonesse se trouve sur la partie est près de Roissy. Le maire de Gonesse, Jean-Pierre Blazy, dont le cinquième mandat est en cours, veut depuis longtemps urbaniser ces terres. Avant lui, son prédécesseur les avait déjà proposées pour y construire le Stade de France. La difficulté rencontrée pour l’urbanisation, c’est qu’on est proche des deux aéroports, Roissy et Le Bourget, et qu’en raison du bruit des avions, il n’est pas possible de construire du logement permanent. On peut faire de l’activité, de l’hôtellerie qui est du logement temporaire, ce qui était le projet EuropaCity de 500 boutiques, porté par le groupe Auchan et soutenu par le maire de Gonesse

Sur les 1 000 hectares du Triangle de Gonesse, dont une partie est occupée par des entrepôts de logistique, il reste 670 hectares agricoles, et EuropaCity devait occuper 80 des 300 hectares du projet de zone d’activités. Le projet du maire était de développer le transport par avion et de faire d’EuropaCity une destination pour les voyageurs arrivant à Roissy. Le projet a été annoncé fin 2010 à Gonesse lors du débat public sur le réseau du Grand Paris Express. Aussitôt, les associations d’environnement du Val-d’Oise et de la Seine-Saint-Denis se sont regroupées pour créer en mars 2011 le Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG). Des actions, des réunions publiques, une fresque humaine, un Alternatiba Gonesse ont été organisées sur le Triangle de Gonesse mais aussi dans les villes autour de Gonesse. Cela a été assez facile de contrecarrer ce grand projet inutile, même si cela a pris plusieurs années. À partir de 2016, après le débat public sur EuropaCity, on a organisé des actions et des réunions mensuelles et on continue aujourd’hui avec La Convergence Gonesse à la Bourse du travail de Paris avec l’aide des syndicats. On participe aux manifestations contre la réforme des retraites. On est lié au mouvement social.

Le combat continue aujourd’hui contre la ligne 17 nord et le projet de gare du triangle de Gonesse…

Oui. Nicolas Hulot avait déclaré en 2017 qu’EuropaCity était « un projet de l’ancien temps ». Il a pourtant fallu attendre 2019 pour que le projet soit abandonné. On s’est réjoui de la décision du gouvernement, mais le 7 mai 2021 Jean Castex annonçait le maintien de la gare et de la ligne 17 nord pour continuer à urbaniser.

Aujourd’hui, le collectif s’oppose à l’implantation de la ligne 17 nord qui ne sert à rien et à la construction d’une cité scolaire avec internat…

Actuellement l’aéroport de Roissy est desservi par le RER B qui a besoin de plus d’entretien. Au lieu de financer les améliorations, l’État et la région mettent en chantier deux nouvelles lignes : CDG Express, train direct au départ de la gare de l’Est et la ligne 17 nord omnibus au départ de Saint-Denis Pleyel. C’est un gaspillage d’argent public qui ferait de Roissy le premier aéroport au monde desservi par trois lignes de train.

Dès l’annonce du projet de la ligne 17 nord par Nicolas Sarkozy, les investisseurs privés se sont retirés du projet de CDG Express ayant compris que la rentabilité de CDG Express ne serait plus assurée. La gare du Triangle de Gonesse n’est pas encore construite et ne le sera que dans deux ou trois ans. Ni le gouvernement ni le conseil régional ne savent où ils vont. L’autre projet de Jean Castex était une cité scolaire avec un internat pouvant accueillir plus de 2 000 jeunes, principalement en collège et lycée, sous le bruit des avions jour et nuit. Au lieu d’« éviter, réduire, compenser », le gouvernement fait tout pour ne pas éviter l’urbanisation, car rien ne nécessite d’urbaniser le triangle. Et tout cela avec de l’argent public.

Quelles sont les revendications du Collectif pour les terres de Gonesse ?

Pas de Cité scolaire sous le bruit des avions ! Pas de gare en plein champ ! Depuis le début, l’orientation est de maintenir le Triangle de Gonesse agricole pour une agriculture paysanne nourricière et de qualité. Actuellement, la production principale est céréalière, destinée au marché mondial. En 2016, après le débat public, des professionnels (agronomes, paysagistes, architectes…) ont proposé le projet alternatif de transition écologique CARMA (Coopération pour une ambition agricole, rurale et métropolitaine d’avenir) à partir du Triangle de Gonesse. Sans pouvoir accéder au foncier agricole du Triangle de Gonesse, des porteurs de projets en maraîchage ou horti­culture se sont installés ailleurs. Jean Castex a promu en 2021 le projet Agoralim, une annexe du marché de Rungis dont la partie principale de logistique serait sur la commune de Goussainville et de production alimentaire en circuit court sur la partie sud de la ZAC Triangle de Gonesse où EuropaCity voulait s’implanter. C’est symboliquement séduisant mais il n’a pas dit comment y parvenir : s’il peut exproprier le foncier agricole pour l’urbaniser, il ne le peut pas pour produire de la nourriture, et les exploitants en place n’envisagent pas de s’orienter vers des productions de légumes. Nous revendiquons aussi la rénovation des transports utiles comme le tram-train T11 anciennement la tangentielle nord, qui va de Sartrouville en passant par les deux gares d’Argenteuil et Épinay-sur-Seine jusqu’à Noisy-le-Sec. Il faut développer et améliorer les réseaux de trams et de bus existants.

Est-ce qu’on peut dire que le Grand Paris c’est beaucoup d’argent public pour les intérêts privés ?

C’est un gaspillage d’argent public pour les lignes 17 nord et 18 ouest qui bénéficient aux trois grands du BTP. C’est aussi de la spéculation foncière autour des gares, qui oblige les plus pauvres à s’éloigner de Paris donc très souvent de leur lieu de travail.

Quelles sont les actions envisagées prochainement ?

Depuis deux ans, les Soulèvements de la Terre (SdlT) ont participé à de nombreuses actions en lien fort avec la Confédération paysanne. En Ile-de-France, on a peu de Confédération paysanne. On compte sur la mobilisation citoyenne. On continue à organiser des événements, dans le cadre de la lutte à Saclay et à Gonesse. Le 28 mai prochain, comme chaque dernier dimanche du mois, il y aura une Zadimanche, mais exceptionnelle cette fois car dans la suite de Saclay et deux jours après une audience au tribunal administratif le 26 mai. On va continuer à se mobiliser, même quand on se bat contre une gare qui ne sert pas le bien commun, il faut plus expliquer que face à la piste de ski d’EuropaCity. Quelquefois le pot de terre gagne contre le pot de fer !

Propos recueillis par Fabienne Dolet

Rendez-vous des « Sauveteurs de terre » le dimanche 28 mai à partir de 11 h au carrefour de la Patte-d’Oie de Gonesse (40 mn de la gare du Nord de Paris). Voir sur http://ouiauxterresdegon…