Publié le Mercredi 17 mai 2023 à 11h01.

Saclay : « Le Grand Paris, c’est la volonté de créer une infrastructure de transport lourde qui va permettre une expansion urbaine »

Entretien. L’Anticapitaliste a rencontré à Zaclay, la ZAD de Saclay, le Collectif contre la ligne 18 (ccl18) créé en octobre 2020.

 

Pouvez-vous présenter votre collectif ?

Il y a deux entités qui coexistent en parallèle : Zaclay, le campement contre la ligne 18, créé en mai 2021, et le collectif contre la ligne 18. Sur le plateau, les gens militent contre la ligne 18 depuis qu’elle a été annoncée en 2005, sur des axes de luttes légalistes qui étaient des recours juridiques, parfois des pétitions. Tout cela a été balayé par l’État parce qu’« opération d’intérêt national ». La volonté, c’est de monter d’un cran dans le rapport de forces, de permettre une plus grande diversité de modes d’action.

Quelles sont les revendications du collectif, en particulier à propos de la ligne 18 ?

Le Collectif lutte contre la ligne 18 mais aussi contre l’artificialisation du plateau de manière plus générale. Notre revendication principale : arrêter les chantiers de la ligne 18, organiser un vrai débat public sur la ligne 18 et voir ce que ça donne.

Qu’est-ce que c’est exactement le Grand Paris à Saclay ? 

Le projet sur le plateau de Saclay consiste à créer un cluster scientifique qui va réunir 20 % de la recherche française, ce qui est énorme. L’idée : tout centraliser en région parisienne et faire des gros pôles d’activité, et ensuite relier tous ces pôles entre eux avec des lignes de métro pour des projets prestigieux. Ce n’est pas pensé pour répondre aux besoins du territoire. Si on regarde les analyses faites sur les transports, sur la manière dont les gens se déplacent dans le coin, les déplacements vont du nord au sud. Or, la ligne 18 est orientée est-ouest. La section passe à travers les champs à moins de 6 000 passagerEs en heure de pointe, ce qui est très peu. Concrètement le Grand Paris, c’est la volonté de créer une infra­structure de transport lourde qui va permettre une expansion urbaine. La ligne ne va pas du tout être rentable s’il n’y a pas des habitations autour et des gens pour la prendre. Il s’agit par conséquent d’un appel d’air pour l’urbanisation.

Vous décrivez le projet ligne 18 comme un désastre écologique, économique et démocratique, est-ce que vous pouvez détailler ?

Un désastre écologique, cela semble assez évident. Le projet passe en plein milieu de terres agricoles. Il coupe toutes les continuités écologiques. Les espèces partent parce que les milieux ne sont plus adaptés pour elles. On a beau dire que les transports en commun sont écologiques, mais quand ils sont implantés dans des endroits où il n’y en a pas besoin... Dans les débats publics, sur les projets comme ça, la démocratie, c’est toujours rien du tout. En fait, c’est un projet qui est mené par l’État, où toutes les toutes les collectivités locales n’ont pas leur mot à dire. Il n’y a pas de pouvoir de décision locale. Ça a été décidé par la loi sur le Grand Paris qui a été voté par Sarkozy. C’est passé « opération d’intérêt national ». C’est l’État qui décide, et l’État fait ce qu’il veut. Sur l’aspect économique, la ligne 18 seule c’est genre 6 milliards d’euros la construction. Sachant qu’il y a une grosse dèche pour financer les transports en Ile-de-France et rénover ceux que les gens utilisent. La ligne 18 coûte un « pognon de dingue » et ne sert à rien.

Enfin si, ça sert mais à créer un appel, enfin un gouffre, pour l’urbanisation et ça permet aux grands groupes du BTP de se faire des thunes. Le fond de l’affaire est là : c’est un gros projet prestigieux pour la France et ça permet aux multinationales du BTP de se faire des thunes.

Des alternatives existent-elles à la ligne 18, en termes de moyen de transport ?

Oui, il y a des alternatives : faire une ligne de bus en site propre de Massy à Saint-Quentin, par exemple. Elle a été faite jusqu’à Saclay mais sur la section Saclay-Versailles elle n’a pas été faite sous prétexte qu’il va y avoir la ligne 18. Il y avait un projet de faire un téléphérique qui va de la vallée vers les gares du Guichet ou de Lozère. Plein de solutions de transport qui étaient fondées soit sur des projets d’infrastructures légères pour relier le plateau au réseau existant, soit sur la rénovation du réseau existant pour qu’il marche mieux, ont été mises sous le tapis parce que la ligne 18 va être faite. Le coût de ces solutions (moins de 100 millions d’euros) et leurs délais de réalisation (12 à 18 mois hors procédures administratives pour un téléphérique) sont hors de proportion avec ceux de la ligne 18. En résumé, l’existence de la ligne 18 a été posée comme fondamentale, comme prérequis de la réflexion sur les transports ici, et cela a complètement effacé tous les autres projets.

Par rapport à Zaclay, j’ai entendu que la ZAD était menacée d’expulsion…

Depuis longtemps, il y a des menaces de poursuites judiciaires qui pèsent sur les agriculteurEs qui nous accueillent dans leurs champs. Si on est parti avant juin, il n’y aura très probablement pas de poursuites judiciaires contre les agriculteuEs. Les amendes, qui peuvent tomber sur elles et eux si ça va jusqu’au procès, sont tellement énormes qu’en fait on ne peut pas faire peser ça sur eux. Iels n’ont pas l’argent pour les payer, on n’a pas l’argent pour les payer, c’est de l’ordre de plusieurs centaines de milliers d’euros là. Ce n’est pas la fin de la lutte ici, et même si Zaclay n’existe plus, il y a toujours une lutte et on continuera à faire des trucs.

Propos recueillis par Hor, NPA Saclay