Retour sur les trois ateliers organisés dans le cadre du cycle « pandémie » de notre université d’été, dont les discussions et débats ont été largement traversés par le sens et les effets de la crise du Covid-19.
Avec pour objectif général de discuter des impasses mortelles du capitalisme et de la gestion bourgeoise de la crise covid, le cycle pandémie s’est ouvert sur l’atelier « L’hôpital et le système de santé à l’épreuve du Covid-19 ». Yasmina Kettal, infirmière et co-fondatrice du collectif inter-urgences, a décrit entre humour et émotion un hôpital public fragilisé, malgré les luttes des personnels, par des années d’austérité : absence de création de lits, avec en fait de simples redéploiements qui abandonnent les autres pathologies, personnels au bord de la crise de nerf, gestion de crise covid uniquement centrée sur l’hôpital et qui oublie la prévention bâtie avec la population. Et puis l’arnaque du Ségur. Moment d’émotion quand elle évoque son passage en renfort en Guyane, dans un hôpital délabré, seule la nuit avec une jeune collègue, confrontée sans formation à un incident machine en réa, essayant de trouver sur YouTube les moyens de relancer la dialyse… Une seule envie, fuir ! Pauline Salingue, éducatrice et militante CGT au CHU de Toulouse, a dénoncé ces directions d’hôpitaux qui poursuivent les restructurations, dépensent 60 000 euros pour embaucher des vigiles et contrôler le pass des patients et des personnels, au mépris du droit à la santé. Ces menaces de licenciements des personnels qui refusent la vaccination, mais qui hier devaient aller travailler au contact des malades en cas de covid léger, tournent le dos à une politique de conviction pour défendre la vaccination. Colère des personnels qui refusent d’effectuer le contrôle des pass sanitaire, exigent des moyens pour l’intérieur et pas pour l’extérieur et les vigiles !
Données de santé et GAFAM
Le capitalisme de surveillance fait son coming out en ces temps de pandémie. Un gouvernement autoritaire nous ordonne de choisir entre nos libertés et notre santé. Notre camarade Frank Prouhet, de la commission santé du NPA, a exposé les raisons de refuser cette fausse alternative. Notre opposition au pass se fonde autant sur la défense des libertés que sur l’impossibilité avec cette politique d’aller convaincre les plus rétifs à la vaccination, comme hier l’application Stop covid était bien incapable de tracer, d’aider à s’isoler celles et ceux qui étaient touchés par le covid. Raison de plus pour inviter Benoît Piédallu, de la Quadrature du Net, à animer cet atelier « Nos données de santé : au service du contrôle par les GAFAM et le pouvoir, ou au service de la santé communautaire ? ». Après un rappel sur ce que sont les données de santé, des dossiers médicaux aux smartphones qui enregistrent nos pas, nos pulsations et notre poids, Benoit Piedallu est revenu sur le pass sanitaire, contre lequel la Quadrature a posé un recours devant le Conseil d’État, sur la reconnaissance faciale au temps du masque qui généralise la société de contrôle dans nos villes. L’occasion de mentionner le Health Data Hub, qui pompe toutes les données de santé françaises, mis en place dans l’urgence sur les serveurs de Microsoft : fantasme de toute-puissance de l’intelligence artificielle et privatisation de nos données de santé. De même, depuis 2018, pour une livre symbolique, le NHS, le système de santé anglais, donne à Amazon l’accès à toutes les données de santé. Un contrat secret, qui viole le secret médical et l’acceptation qui doit être recueillie pour le partage des données. Sans parler de Doctolib qui sait tout de notre santé, à travers la gestion des rdv de l’AP-HP et de la vaccination. Débat passionnant qui montre l’étendue des efforts à faire, y compris au niveau du NPA, pour protéger la sécurité de nos données et ne pas les offrir aux Gafam !
Vaccins biens communs universels
L’atelier « Contre les brevets de Big Pharma, les vaccins biens communs universels », clôturait le cycle pandémie. L’occasion pour Frank Prouhet, animateur du collectif « Brevets sur les vaccins anti-covid, stop. Réquisition ! », d’intervenir sur le rôle de la vaccination face à la pandémie, de détailler la balance bénéfice-risque des différents vaccins anti-covid. Des armes face aux anti-vax et une certitude : le pass est le moins bon moyen de convaincre celles et ceux qui sont les plus éloignés de la vaccination, et qui sont aussi les plus fragiles face au covid, ce virus de classe ! Jérôme Martin, co-fondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, est revenu longuement sur les brevets qui font les prix hauts, l’apartheid vaccinal qui prive le sud de vaccins, et laisse échapper les variants toujours plus contagieux, et sur la possibilité de lever les brevets, de transférer les technologies pour faire du vaccin un bien commun universel. Mais l’ancien président d’Act-Up est également intervenu sur tous les acquis de la lutte anti-VIH. La santé communautaire faite avec les patientEs, les patientEs expertEs, la lutte contre les inégalités au cœur des politiques de santé, ce qui s’oppose à toutes les politiques autoritaires, inefficaces et porteuses de stigmatisation. Dans le débat, avec émotion, Renée a montré qu’en Martinique, l’État colonial, la santé publique bafouée avec l’affaire du chlordécone qui a empoisonné pendant des décennies les Antillais, les hôpitaux abandonnés, sont responsables du scepticisme vaccinal et son cortège macabre. Un exemple à méditer.