Fondée, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, la Sécurité sociale entendait « débarrasser les travailleurEs de l’incertitude du lendemain », en instaurant des droits sociaux pour toutes et tous, destinés à « garantir les travailleurEs et leurs familles contre les risques de toute nature, susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent ». Le « but final » étant « la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population contre l’ensemble des facteurs d’insécurité ».
La Sécu, ciment de la solidarité de classe
Imposée dans un rapport de forces exceptionnel au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Sécurité sociale a rendu obligatoire, pour les employeurs, le versement d’un salaire « socialisé » sous forme de cotisations sociales, s’ajoutant au salaire « net » directement perçu par le/la salariéE. Grâce à la Sécurité sociale, le salaire ne permet pas seulement d’assurer la reproduction de la force de travail des travailleurEs dans l’emploi, mais celle de l’ensemble de la classe salariée. Elle est un outil essentiel de la solidarité de classe.
En 1945, la Sécurité sociale est majoritairement gérée par les représentantEs éluEs des salariéEs, qui occupent les deux tiers des sièges dans les conseils d’administration des caisses.
La Sécurité sociale n’a jamais été acceptée par la classe dominante. Toutefois, sous la pression des luttes, les années de forte croissance économique (5 % en moyenne) et d’augmentation de la productivité qui suivent la Seconde Guerre mondiale rendent tolérable, pour les patrons, la hausse des cotisations. Elle permet la montée en puissance des droits sociaux. Les retraites se rapprochent d’un prolongement du salaire d’activité, des soins de qualité deviennent accessibles à toutes et tous.
Austérité et étatisation
Mais dans les années 1970 s’ouvre une période durable de faible croissance et d’absence de gains significatifs de productivité. La protection sociale devient l’objet des politiques d’austérité destinées à protéger les profits.
Malgré les résistances, un projet libéral, soutenu par l’Union européenne, se met en place. Il tend à ramener la Sécurité sociale à une couverture minimum (recul de l’âge de la retraite, baisse du niveau des pensions, moindre remboursement des soins, insuffisance des moyens pour l’hôpital…).
Pour accéder à des soins de qualité ou bénéficier d’une retraite satisfaisante, il devient nécessaire de faire appel à une assurance complémentaire (privée ou d’entreprise) pour celles et ceux qui en ont les moyens (complémentaires santé, fonds de pension).
Pour imposer ce projet, l’État prend le contrôle de la Sécurité sociale, sur laquelle les représentantEs des salariéEs n’ont plus aucune prise. La « Sécu » devient une succursale du ministère des Finances. Les recettes et dépenses sont votées par le Parlement (loi de financement de la Sécurité sociale).
L’étatisation de la « Sécu » s’appuie sur sa « fiscalisation » : des impôts, payés pour l’essentiel par les salariéEs (CSG, taxes diverses), remplacent les cotisations des employeurs, qui profitent d’exonérations de plus en plus importantes (16 milliards en 2004 ; 83 en 2023).