Curieux choix de l’actuelle majorité de la direction du NPA qui est à l’initiative de la plate-forme B, que d’annoncer d’avance que le prochain congrès de notre organisation acterait la séparation d’avec la moitié de ses forces vives. Philippe Poutou a confirmé le souhait de séparation lors d’une intervention à la récente fête de Bordeaux – anticipant l’issue du congrès. Curieux choix aussi d’annoncer cette séparation au nom de l’« unité ». Séparons-nous… unitairement ! Mais le paradoxe n’est qu’apparent. L’actuelle équipe dirigeante du NPA défend la perspective d’un « parti large » par alliance et/ou regroupement du côté des marges de la galaxie Nupes. Il y aurait matière à émergence d’une nouvelle gauche – dite « de combat ». Voilà pour le volet politique. Et la cassure du NPA, pourquoi ? Parce que ladite perspective n’étant pas franchement majoritaire dans le parti, et la direction ne se sentant guère en mesure de résoudre la question par la conviction, elle envisage de la régler par l’éviction d’une partie de celles et ceux qui ne sont pas d’accord. C’est le volet « séparation ». Deux volets d’une même pièce auxquels notre « plateforme C » s’oppose – initiée par des camarades de deux courants organisés du NPA, A&R et la Fraction l’Étincelle. Démocratie révolutionnaire (DR) la soutient et Socialisme ou Barbarie (SOB) appelle à voter pour. D’autres camarades, n’appartenant à aucun courant organisé et/ou provenant d’autres courants, en sont également signataires. Nous ne voulons pas d’un congrès qui esquive les débats programmatiques et stratégiques en faisant le procès des courants/fractions. Les enjeux du prochain congrès dépassent ces clivages. L’urgence, c’est de mettre au centre le brassage des expériences, des débats entre les secteurs, les fédérations, les comités, les commissions, entre toutEs les militantEs du NPA.
Le NPA n’est pas soluble dans la gauche
Le NPA est un petit parti, mais néanmoins marquant, avec Lutte Ouvrière, d’une extrême gauche qui a une certaine audience en France. Notre plateforme C milite pour un NPA qui se maintienne comme pôle révolutionnaire, clairement démarqué de la gauche, parti militant organisant et représentant les intérêts des exploitéEs et oppriméEs. Le prolétariat – au sens large, englobant toutes celles et ceux dont la vente de la force de travail est le seul moyen de vivre ou survivre – doit faire face à un monde de rapaces capitalistes défendus par Macron et son gouvernement, comme par des partis de droite et d’extrême droite aux franges fascisantes.
La gauche française aujourd’hui est loin d’incarner une quelconque volonté de rupture. Il s’agit plutôt du recentrage d’un Mélenchon, qui a parfois su jouer avec des formules radicales, pour désormais se présenter en chef de file d’une future gauche de gouvernement. La campagne menée avec le PS, le PCF et les Verts, dont des ministres de Hollande, sous le slogan « Mélenchon Premier ministre », a eu le mérite d’une certaine clarté de ce point de vue. Cette percée électorale de la FI et le rééquilibrage au sein de la « gauche » institutionnelle au profit de la FI, ne changent pas notre objectif fondamental qui est de construire des organisations indépendantes de la bourgeoisie mais aussi de toutes les nuances de la « gauche institutionnelle », dont la FI. Nous pensons que la situation le permet. Préserver notre indépendance de classe politique et organisationnelle ne veut pas dire cultiver notre isolement, c’est même tout le contraire : c’est « marcher séparément, mais frapper ensemble ». « Frapper ensemble » sur toutes les questions qui permettent à notre camp de se mettre en mouvement, mais « marcher séparément » car il faut développer nos perspectives révolutionnaires qui sont à l’opposé des impasses institutionnelles portées par la Nupes et la FI. Mener cette politique, c’est le meilleur moyen de s’adresser aux militantes et militants de la gauche institutionnelle.
L’enjeu politique de ce congrès est de pousser la discussion sur les tâches et perspectives tangibles de l’extrême gauche, sur les moyens de construction d’un parti révolutionnaire militant. Il est urgent d’aller vers un parti révolutionnaire plus implanté, plus étendu, plus important… en un mot plus « large », capable de s’adresser à la nouvelle génération militante et de regrouper. Un tel parti est accessible si nous y mettons l’ambition et les efforts. Comment ? Par regroupement de celles et ceux qui, dans les classes populaires, résistent à l’exploitation, mais aussi aux oppressions qui en découlent, de race, de genre ou d’orientation sexuelle, comme aux dégâts infligés à la planète. Car il existe un vaste milieu, récemment arrivé à la politique, qui s’insurge contre ces inégalités, injustices et agressions contre l’humanité et la nature sécrétées par le système capitaliste. Qui résiste aussi au fatras réactionnaire, sexiste, raciste et anti-immigrés, voire fasciste, appuyé par le chœur des obscurantismes religieux. Un parti révolutionnaire militant, c’est aussi le drapeau d’idées politiques émancipatrices du prolétariat, dont l’internationalisme.
Oui, un « parti large »… et révolutionnaire !
Militer pour la révolution communiste mondiale nécessite certainement des convictions bien accrochées (arrimées à la théorie marxiste comme aux luttes des générations passées). Les situations ne sont pas faciles et les groupes révolutionnaires sont petits. Sont-ils pour autant « identitaires », « sectaires » et « non unitaires » (ce que la direction actuelle du NPA reproche aux courants qui présentent la plateforme C) ? Le fait que Philippe Poutou ait recueilli 0,77 % des voix à la présidentielle de 2022 signifie-t-il que nous serions plus coupés des masses que la Nupes et aurions besoin de nous atteler à un char électoral plus gros ? Mélenchon a arraché un succès au premier tour de la présidentielle, mais les mêmes qui ont ainsi « voté utile » contre Macron et Le Pen, n’ont pas réédité leur geste aux législatives qui ont suivi, en faveur de la nouvelle mouture d’union de la gauche. Cette Nupes ne les a pas emballés !
Oui, il existe un milieu attentif aux joutes parlementaires et aux motions de censure contre le gouvernement Macron. Ce milieu se trouve souvent dans les appareils syndicaux et associatifs. La masse du monde du travail et de la jeunesse, ceux et celles qui luttent de manière encore trop éparse mais néanmoins bien réelle, se posent plutôt les problèmes des salaires, du chômage et de la précarité. Nous pouvons nous adresser aux premierEs, mais surtout très « largement » aux secondEs. Nous aurons besoin pour cela d’exprimer fermement nos propres convictions et de nous muscler un peu mieux.
Pas seulement un selfie avec Poutou, mais un parti !
Nous constatons toutes et tous la politisation qui, depuis quelques années, gagne une partie de la jeunesse, prolétaire ou scolarisée. Toutes et tous avons entendu ces manifestants qui criaient « Anticapitaliste ! » ou « Révolution ! », dans des cortèges, depuis la lutte contre la Loi travail et le mouvement des Gilets jaunes. Toutes et tous avons été témoins de la présence des jeunes dans les meetings de campagne de Philippe Poutou. Le NPA tel qu’il est n’a d’ailleurs pas été un obstacle pour ces jeunes et encore moins pour qu’ils rejoignent le secteur jeunes du NPA.
Le texte de la plateforme B affirme lui-même que Philippe Poutou trouve un très large écho, bien au-delà de son piètre score électoral… et qu’une partie de ce milieu, même quand il a voté pour Mélenchon, compte sur Philippe Poutou pour gagner vraiment, dans la rue. C’est indéniable. Un certain samedi 8 octobre, deux réunions se sont tenues à Saint-Denis : l’une à la Bourse du travail, une réunion appelée par les huit députés de la FI (qui a arraché tous les sièges du département), a réuni au mieux 80 personnes – salle bien vide ; l’autre à l’université de Paris 8, organisée par le secteur jeunes du NPA, a réuni 250 personnes – salle bien pleine ! Nos effectifs en progression soulignent nos opportunités : en six mois de l’année 2022, le parti a grossi d’un quart supplémentaire par l’apport de jeunes attirés par les accents révolutionnaires de la campagne, l’expression indépendante des révolutionnaires vis-à-vis de la FI. Les efforts militants ont d’ailleurs permis de regrouper ces jeunes au sein du NPA, dans son secteur jeunes, démontrant ainsi que le NPA est bien vivant – on n’en est pas à l’afflux spontané.
La nécessité d’un parti affichant clairement son programme et sa stratégie révolutionnaires est un enjeu du prochain congrès, à l’opposé d’une gauche qui n’aspire qu’à gouverner la société bourgeoise telle quelle est, à mettre en lien avec une situation internationale où l’urgence révolutionnaire est palpable pour une nouvelle génération, y compris dans le milieu syndical jeune et combatif, au sein de laquelle nous pouvons et devons recruter et former les quelques milliers qui nous feront franchir le cap d’un véritable parti. Sans omettre d’avoir une politique unitaire en direction des autres courants révolutionnaires. Sans omettre non plus d’utiliser cette situation pour influencer celles et ceux que la gauche avait découragé.e.s de tout espoir en un changement social et politique radical. Frapper ensemble dès que c’est nécessaire, mais marcher séparément – c’est-à-dire s’affirmer, se distinguer, se différencier des courants de la gauche institutionnelle. Ce que le NPA a fait en présentant son propre candidat à la présidentielle, mais pour commettre ensuite la faute de disparaître en appelant à soutenir la Nupes (sauf rares exceptions) aux législatives.
Un parti révolutionnaire, ce n’est pas une machine électorale
Des décennies de trahisons social-démocrates et staliniennes ont fait passer la vie parlementaire bourgeoise pour la vie politique, les élections pour des « débouchés politiques ». Pour la bourgeoisie certainement, jusqu’à ce qu’elle préfère, contre les classes populaires, les coups d’État et les régimes autoritaires. Et les révolutionnaires ont pu en subir le contrecoup, en surestimant parfois la signification de leurs reculs électoraux et en cherchant à atteler leur char à des réformistes aux meilleures performances (de LO aux municipales de 2008 au NPA aux législatives de 2022 – excusez l’amalgame !).
Mais faire de la politique, pour le prolétariat, et construire un parti révolutionnaire pour des militants communistes, c’est privilégier un tout autre terrain : celui de l’organisation sur des bases de classe, pour les luttes et toutes les luttes, sociales revendicatives comme politiques. Avec en vue, à la faveur de situations révolutionnaires, la mise en place d’organes de pouvoir qui deviendront le pouvoir réel et renverseront celui de la bourgeoisie. Il s’agit surtout de ne pas confondre le parti révolutionnaire militant – dont nous devons discuter très soigneusement la construction – avec les machines électorales et parlementaires bourgeoises de gauche. La FI en tout cas ne s’y trompe pas et se garde de transformer sa petite machine électorale, avec ses députés, en un parti où des travailleurs et des jeunes se regrouperaient, discuteraient, décideraient. Sainte trouille des masses dont elle ne veut que les votes d’un jour !
Actualité et urgence de la révolution
Le monde capitaliste s’est déstabilisé, polarisé. Les tensions montent, les rivalités entre grandes ou moyennes puissances réactualisent la guerre, y compris en Europe. Les inégalités et injustices se creusent, les oppressions s’aiguisent. Dans le même temps on assiste à des vagues inédites de contestations sociales à grande échelle. Le temps presse. Aux révolutionnaires de définir les enjeux d’indépendance de classe, à l’échelle internationale, de proposer au monde du travail et à la jeunesse leurs perspectives internationalistes.