Les enjeux du prochain congrès du NPA s’inscrivent profondément dans la période dans laquelle le capitalisme est entré, une période de guerres et d’affrontements violents entre les classes, dans laquelle les exploitéEs et les oppriméEs partent avec un retard considérable.
La crise multiforme d’un capitalisme pourrissant, avec la guerre en Ukraine, la montée du danger fasciste visible notamment avec les élections au Brésil, en Italie, aux USA et bien sûr en France, l’ampleur de la crise écologique, les violences policières et racistes, la crise de l’accueil des migrantEs et désormais l’inflation galopante rendent plus que jamais d’actualité l’opposition « socialisme ou barbarie » et donc l’actualité de la révolution. Seule la prise du pouvoir par les exploitéEs et les oppriméEs, prenant leurs affaires en main organisant et contrôlant la production démocratiquement peut ouvrir une telle perspective révolutionnaire.
Mais force est de constater que les révolutionnaires sont très minoritaires, que le prolétariat est très fragilisé et désorganisé et que les grandes mobilisations de masse sont très hétérogènes socialement : de l’Algérie aux Gilets jaunes, des mouvements contre les oppressions, notamment MeToo, aux luttes pour le climat ou aux batailles contre l’impérialisme et pour les droits des peuples, en Ukraine, en Iran ou en Palestine.
Les révolutionnaires doivent faire face à cette contradiction fondamentale de la maturation des conditions objectives d’un renversement du capitalisme et de la faiblesse du facteur subjectif, celui de la conscience de classe et du parti révolutionnaire. Cela impose une orientation combinant la nécessité de défendre un programme révolutionnaire et de batailler pour l’unité du prolétariat, dans l’action.
C’est tous ces objectifs que nous avons poursuivis depuis le dernier congrès, et que l’orientation de la campagne Poutou a tenté d’incarner.
Un parti pour la rupture révolutionnaire
Des camarades estiment que le NPA aurait besoin d’une clarification, d’une refondation, de débats stratégiques. Pour nous, ce débat nécessaire est une discussion vivante, basée sur les expériences de lutte, qui doit se mener dès maintenant, pas un débat abstrait.
La révolution est un processus : il faut une rupture radicale avec la domination bourgeoise, ses institutions son appareil d’État, sa police et ce à l’échelle internationale. L’hypothèse stratégique de la grève générale insurrectionnelle doit être actualisée à la lumière des nouvelles expériences. Celles-ci ont montré la nécessité d’une actualisation renforcée par l’écologie – nous devons nous battre pour un éco-communisme –, d’une articulation entre lutte sur les lieux de travail et combats territoriaux voire même en lien avec la question nationale et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la connexion avec la lutte contre les oppressions qui ne s’éteindront pas mécaniquement avec le capitalisme et le fait que la crise révolutionnaire n’est que le début d’un processus de transformation de la société.
La crise du capitalisme produit de multiples résistances de par le monde mais elles ont du mal à dépasser le stade de la colère. Elles se heurtent à la logique d’un État construit et pensé pour faire régner l’ordre capitaliste et sont, de fait, incapables de déboucher sur une alternative politique.
Cette rupture nécessite donc de défendre l’idée d’un intellectuel collectif pour l’action, en capacité de répondre de manière coordonnée et démocratique à des attaques globales et systématiques, c’est-à-dire d’un parti. Nous ne prétendons pas détenir la vérité absolue et ce parti ne peut pas être l’expression fantasmée d’une minorité agissante représentant à elle seule la conscience politique des exploitéEs et des oppriméEs. Le programme militant se construit en interaction avec les masses, leurs expériences pratiques, que ce soit dans les luttes ou dans la façon dont elles perçoivent les choix politiques des différentes organisations du mouvement ouvrier. La perspective révolutionnaire n’est pas un mantra qu’on répète pour se convaincre de sa radicalité. Elle ne peut se réaliser que si des millions de personnes se l’approprient dans l’action de masse : nous ne renverserons pas le capitalisme sans gagner l’unité et la majorité dans notre camp social. Dans cet objectif nous nous adressons à toutEs les anticapitalistes, toutes les personnes qui veulent se battre contre le système, qu’elles soient organisées ou non, qu’elles se retrouvent dans l’extrême gauche, autour de la gauche réformiste ou hors des organisations.
Un parti pour rassembler notre classe dans sa diversité
Notre parti doit être à l’avant-garde des combats du prolétariat et de la jeunesse. Nous devons être au-devant de la scène pour combattre le pouvoir de Macron et le patronat : notre but n’est pas de tergiverser sur l’analyse des organisations réformistes mais de proposer à toutes et tous, dans l’unité, d’organiser la lutte pour la défense des retraites, pour les salaires, contre la réforme de l’assurance chômage. Notre rôle n’est pas de disserter sur la nature de la résistance ukrainienne à l’impérialisme russe mais d’être à l’initiative pour soutenir les luttes des peuples opprimés, en Ukraine, en Iran, en Palestine, etc.
Un parti n’est pas qu’un groupe de réflexion théorique : recruter n’est utile qu’au vu des objectifs politiques que le parti se pose, il doit être tourné vers l’action et les masses. Se battre pour l’unité de notre classe, c’est combattre pour l’unité de ses organisations, pour l’auto-
organisation non dépendante des appareils, et travailler au débordement de ces derniers par l’action des masses, pas par une dénonciation qui ne passerait que pour du sectarisme et nous isolerait. De même, nous construisons les organisations de masse, particulièrement les syndicats, pour elles-mêmes, pour ce qu’elles apportent à l’auto-activité de la classe, tout en gardant notre indépendance, nos propres stratégies.
La contre-révolution néolibérale a remodelé les rapports sociaux et réorganisé le prolétariat. Atomisation des grandes concentrations ouvrières, du travail, ubérisation… ont façonné une classe ouvrière extrêmement hétérogène et de plus en plus précaire. Cette individualisation croissante des rapports sociaux a participé à la destruction du lien social et, combinée aux reculs sociaux, a fait largement refluer la conscience de classe.
Reconstruire la conscience de classe, la classe pour soi, passe par des bouleversements par rapport au logiciel sur lequel s’est construit le mouvement ouvrier du XIXe et du XXe siècle à partir de nouvelles coordonnées. Notre parti doit représenter notre classe dans sa diversité : travailleurEs, précaires, raciséEs, femmes, Lgbti sont les éléments constitutifs du prolétariat, le tout dans une approche en rupture avec le mode de production productiviste et extractiviste. Un parti à l’image des exploitéEs et des oppriméEs et en phase avec les nouvelles radicalités qui s’expriment, dans le mouvement féministe, dans le mouvement écologique en y défendant à la fois l’autonomie et la lutte de classes. Nous défendons cette autonomie, tout en développant une orientation lutte de classes et révolutionnaire, parce que nous considérons qu’elle produit en elle-même des dynamiques subversives contre le capitalisme, parce qu’elle met en difficulté le pouvoir de la bourgeoisie.
Tous ces éléments nécessitent une politique volontariste pour développer ou reconstruire des outils militants sur les lieux de travail, dans les quartiers, les collectifs et la jeunesse indispensables pour unifier le prolétariat et coordonner son action.
Un parti démocratique pour être utile au prolétariat
Pour défendre nos perspectives, nous avons besoin d’un parti, d’un intellectuel collectif et militant, pas d’une somme de groupes qui tirent dans des directions opposées.
Notre parti n’est pas une fin en soi mais un outil pour agir, intervenir dans la lutte de classes, notamment pour modifier les rapports de forces, prêt à prendre des initiatives dans le temps court de la politique, voire des tournants pour faire pencher la balance du côté de notre camp social.
Pour cela il faut pouvoir proposer une orientation claire et lisible à l’échelle de masse et en tirer des bilans. Nous constatons que partager un vague horizon révolutionnaire n’est pas suffisant pour avancer ensemble, quand les tactiques ou les stratégies à mettre en œuvre pour y parvenir ne sont compatibles. Il faut un accord global sur une « compréhension commune de la situation et des tâches ». Cela n’empêche pas de tenter des expérimentations, c’est même la condition pour que ces expérimentations puissent faire l’objet de bilans communs. Nous défendons un NPA basé sur cette conception d’un centralisme démocratique. Au-delà, dans un monde où des millions de travailleurEs subissent au quotidien la violence du capital et du patronat, nous défendons la conception d’une organisation fraternelle et sororelle où il fait bon militer, dans laquelle les travailleurEs, les femmes, la jeunesse ont toute leur place, où on ne se contente pas de construire chacun sa fraction, contre les autres en s’inventant des désaccords stratégiques. « Faire parti », c’est s’unir pour agir ensemble ! Que chacunE construise non seulement les comités et une intervention vers l’extérieur, mais aussi ses commissions (d’intervention sur les lieux de travail, féministe, LGBTI, écolo…), ses instances de direction intermédiaires, vende son journal, etc.
Aujourd’hui, nous constatons que les fractions refusent cette perspective. A&R et l’Étincelle construisent leur groupe indépendamment du NPA, comme une organisation séparée, avec sa propre orientation, ses propres publications, ses propres permanents, cotisations, formations, et même son propre congrès pour l’Étincelle ! Ce sont des organisations séparées, qui se sont opposées à tout ce qui a été fait par le NPA ces dernières années, que ce soit le lancement de la campagne Poutou, les interpellations des organisations réformistes, les campagnes internationalistes… y voyant des prétendues compromissions avec le réformisme… qui ne sont jamais arrivées.
Elles nous accusent aujourd’hui de vouloir faire scission alors que ce sont elles qui fonctionnent séparément depuis plus de dix ans. Nous proposons seulement d’en finir avec ces fonctionnements d’organisations parallèles, soit par la fin des fractions publiques permanentes pour un parti unifié gérant ses désaccords en toute transparence mais en interne, soit par le constat que nous construisons des organisations différentes et la reconstruction d’échanges plus sains et sereins entre organisations séparées.
Les conditions qui ont mené à la constitution du NPA ont changé. Le mouvement ouvrier est profondément modifié par rapport à la période de sa fondation, où toute la gauche réformiste assumait la gestion des affaires de la bourgeoisie dans la continuité de Jospin puis Hollande, notamment avec l’émergence de forces réformistes portant l’objectif d’une rupture antilibérale.
Nous sommes à la veille de nouvelles confrontations de classe et de décantations au sein du mouvement ouvrier. Le NPA ne peut y répondre que s’il est capable d’intervenir de façon unifiée et ouverte pour s’adresser à des millions de personnes, s’il ne refuse pas d’entrer en débat-confrontation avec les appareils réformistes, s’il sait se lier à touTEs les militantEs qui se mettent en mouvement, avec leurs illusions, leurs erreurs et leurs dynamiques, pour proposer une perspective de renversement du capitalisme.
C’est l’orientation qu’a défendue la campagne de Philippe Poutou, c’est ce que défend la plate-forme B dans ce congrès.